Mitterrand et la guerre d'Algérie
Mitterrand est un un phénix politique qui a ressuscité pusieurs fois de ses cendres, notamment après sa prolifique expérience ministérielle sous la IVème République (11 fois ministre avec 2 ministères régaliens, l'Intérieur et la Justice) et le faux attentat de l'Observatoire de 1959 ayant faili lui briser définitivement les reins.
Après une éclipse ministérielle, mais non parlementaire, de 25 ans, Mitterrand revient sur le devant de la scène politique en tant que "premier des Français", faisant accéder pour la première fois un homme de gauche à la présidence de la République.
Au cours de sa présidence, Mitterrand va se statufier, se momifier, se déifier tant et si bien que le commun des mortels va finir par oublier qu'il ait pu exercer une autre fonction que celle de président.
Et pourtant dans une de ses vies antérieures, comme le rappelle judicieusement l'ouvrage de François Malye et Benjamin Stora, François Mitterrand et la guerre d'Algérie, Calmann-Lévy, 2010...
Le 12 juin 1957, Maurice Bourgès-Maunoury est investi comme Président du conseil. Mitterrand voit par cette nomination s'évanouir son rêve d'accéder à Matignon, alors qu'il s'était accroché dans la tourmente de la guerre civile algérienne à son poste de garde des Sceaux. Etait-ce pour atteindre son objectif qu'il avait déployé un zèle particulier dans ses fonctions ?
Ministre de l'Intérieur lors du déclenchement de l'insurrection algérienne, Mitterrand est dans une posture "Algérie française" et organise une répression ferme. Le 1er février 1956, Mitterrand, proche de Mendès-France, entre comme ministre de la Justice dans le gouvernement Guy Mollet. Dans cette charge, le garde des Sceaux approuve la politique répressive du président du Conseil, appliquant la plus grande fermeté et rigueur vis-à-vis des opposants à la politique colonialiste. Il accepte que, pour juger les auteurs de crimes et délits commis en Algérie, les tribunaux civils soient dessaisis au profit d'une justice militaire plus prompte.
Celui qui sera plus tard un opposant emblématique à la peine de mort, qui fera voter son abrogation dès le début de son mandat présidentiel, laisse sans états d'âme les nationalistes algériens, qu'ils aient ou non du sang sur les mains, se faire guillotiner comme au plus beau temps de la Terreur : on compte 45 décapitations en 500 jours. Les dossiers sont préparés à la chancellerie pour être présentés au président de la République, René Coty : ce dernier refuse 45 fois la grâce et Mitterrand la propose 8 fois seulement. Une figure emblématique de ces guillotinés non grâciés : Fernand Iveton, militant du parti communiste algérien, exécuté le 11 février 1957. Iveton, le seul européen guillotiné durant la guerre d'Algérie.
Mitterrand a-t-il éprouvé du remords pour ces exécutions politiques ? Peut-être. Il prétendra qu'il a songé à démissionner, voire... Toujours est-il que, peut-être inconsciemment pour se laver de ce sang répandu, il fait voter l'abolition de la peine de mort sous l'égide de Badinter. Et en 1982, il impose à sa majorité en partie rétive l'amnistie pour les généraux putschistes d'Alger de 1961. Et les auteurs de conclure : "François Mitterrand se pardonnait-il ainsi les fautes, morales et politiques, qu'il avait commises durant ces cinq cent jours ?"