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Iferhounene : Aroua Mohand Oussalem, un valeureux combattant de la guerre d'Algérie.

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Alors que nous étions à quelque mois  de l'indépendance,  au moment de sa mort, Aroua Mohand Oussalem était en compagnie, lors de son dernier déplacement dans les maquis d’Iferhounene, de  son secrétaire, Nait Baha Mouloud.

 Touché mortellement d'un projectile entre les épaules, Aroua avant de succomber a eu le temps de remettre le cartable qui contenaient l'argent des cotisations, les documents concernant les ayants droits des pensions d'orphelins et des veuves de maquisards tués, ordonna à son compagnon de s'en fuir et d'en prendre bien soin.

Si Hadj Mohand Fodil, témoin vivant raconte les circonstances de la mort du sergent chef militaire du FLN, Aroua Mohand Oussalem :

 "Aroua Mohand Oussalem et son compagnon de lutte Mouloud Nait Baha, ont été interceptés par les troupes du 6éme BCA au lieu dit dit, Vouhammou, un terrain escarpé situé a contre bas du village Iferhounene.

Ce sont les soldats de la 2éme compagnie du 6éme BCA, installée a Iferhounene, à 100 mètres du village, en Octobre 1956, qui les avaient repérés au lieu dit Achelkhoun, non loin du champ dit Zagou a environ un kilomètre seulement de la sentinelle du camp. Alors qu'ils étaient sur le point d’être approvisionnés par les femmes en victuailles. Ils ont été donnés à l’ennemi par des collaborateurs.

Les chasseurs alpins en "chouffant" toute la région  et le déplacement sur un terrain très exposé aux jumelles des sentinelles du camp français, tombèrent sur les silhouettes des femmes  qui devaient assurer l’approvisionnement en victuailles des deux maquisards. La volatilisation subite des silhouettes de ces femmes dans la nature, derrière un touffu d’herbes a l’intérieur d’un grand ilot d’arbres, poussèrent les soldats de la 2éme compagnie à lancer une opération de recherche, en ratissant toute la région. Ils soupçonnèrent la présence d'une casemate ou des fellaghas pourraient bien s y trouver en ce moment précis. AROUA Mohand Oussalem natif du village Iferhounene et Nait Baha Mouloud s'étaient en effet, terrés dans leur abri. La troupe se lança  a leur poursuite, mais ne parvint pas  à les accrocher, car les deux soldats du FLN, s’étaient aperçus assez tôt qu’un important groupe de soldats français avaient quitté le camp pour se diriger dans leur direction. Ils avaient eu tout le temps de s’échapper.

 L’alerte avait été donnée par ces soldats de la 2éme compagnie d'Iferhounene par message radio, aux "bérets verts" stationnées à deux kilomètres environ en face, dans le camp du village Taourirt Boudlés. L’objet étant de serrer l’étau autour des deux « rebelles ».

 Pris en sandwich entre les deux troupes, les deux maquisards n’avaient pas eu la chance ou l'occasion d’affronter dans un corps a corps les soldats ennemis, en raison de l’écrasante supériorité matérielle et en nombre des soldats coloniaux qui employèrent fusils mitrailleurs, et autres armes de longue portée, contrairement aux deux djounouds qui n'étaient dotés que de mitraillettes dont la portée ne dépassait guère les 100 mètres et de surcroit avec comme stock de munitions quelques chargeurs.

 Le nombre de soldats mis dans cette opération était sans commune mesure comparé aux deux maquisards, opposés de l'autre coté de la bataille, à telle enseigne, le témoin vivant qui rapporta l'évènement a eu cette phrase qui peut rendre superflu le plus long reportage d'un journaliste de guerre :

"Les soldats français étaient, ce jour la, plus nombreux que les arbres".

Aroua fut atteint à l'épaule, alors que son compagnon Nait Baha put s'en échapper. Aroua, gravement blessé, resta sur place, immobilisé mais conscient, en position assise. Alors que Nait Baha continua sa course a contre courant du mouvement des troupes assaillantes. Il réussit à les prendre à contrepieds, pendant qu’ils se ruèrent tous sur le maquisard auquel ils ne laissèrent aucune chance de salut. Par la suite, aucun  coup de feu ne sera tiré, leur but était de le cueillir vivant, sachant qu’il était neutralisé.

"Je fus réquisitionné par l’armée, dira le témoin vivant, pour transporter le blessé. Escortés par les chasseurs alpins de la 2éme compagnie, nous étions déjà sur les lieux de l’accrochage en moins de  10 minutes. La,  je découvris le  moudjahid Aroua Mohand Oussalem en position assis, entouré de « Bérets verts » dans toute sa forme physique malgré le stress qui se dégageait de son visage. Il perdait beaucoup de sang, mais il était muet comme une image, dans un état de choc qui se lisait visiblement dans ses yeux grand ouverts et immobiles.

 Comme on ne pouvait pas le transporter à dos d’âne, on m’ordonna de le charger sur mon dos" raconta Si Hadj Mohand Fodil qui n'arrivait pas, 60 ans après ce poignant épisode, à retenir ses larmes qu'il essayait d’étouffer pour se donner bonne contenance.

"Escortés par plusieurs soldats dont l'un d'eux transportait sur son dos un poste Radio Émetteur Récepteur, nous parvînmes au bout de quelques minutes sur le lieu dit « Annar (aire à battre) Imahrouren », il faisait déjà nuit. Le blessé que je transportais sur mon dos ne cessait de me pincer à chaque question que me posait le capitaine qui se rapportait toujours à l'identification de ce "Fellagha", en l’occurrence Aroua Mohand Oussalem. C'était sa façon de me communiquer secrètement un message : ne rien dire et m'en tenir a ma première déclaration : a savoir que je ne reconnaissais pas cet homme. D'autant plus, avais-je déjà répondu au capitaine, que le seul Aroua que je connaisse ne portait pas de moustache et n'avait pas cette corpulence sportive, même si au fond de moi, contre toute logique, je ne pouvais renier l'enfant terrible de mon village qui avait tant fait parler de lui dans les combats et dont les interminables crapahutes dans le djébel avait forgé les muscles, le bâtissant  en un gabarit d’un véritable sportif de la lutte gréco-romaine. Ainsi sont formés les éléments des groupes de commandos, comme Belaid Tirourda, Si Hadj Mohand M’barek et Si Hadj Mohand Ouahmed, Nait Baha, tous façonnés dans le même moule qui a fait d’eux des hommes hors du commun.

 Le capitaine me reposa la question si je connaissais cette personne, en ajoutant : «  ce n’est pas Aroua Salem ! ?. Je savais qu'il était notoirement connu de la population et des services de renseignements français. Il était un combattant courageux, futé et très aguerri. Il appartient à une famille modeste et très estimée. Je persistais dans mon entêtement, encouragé par les pincements réguliers que m'infligeait le blessé que je transportais.

Je répondis machinalement que je ne le connaissais pas. Le capitaine  insista, énervé, puis, il me jeta à la figure cette phrase qui me paralysa un instant :

- depuis hier, tu ne l'as pas vu, salaud !

En effet, on s'était rencontré lui et moi, pour la dernière fois avant sa mort, moins de deux jours auparavant. Mais, qui a bien pu renseigner les militaires français sur cette rencontre?  Me suis-je dit au fond de moi.

 Nous n'avions pas encore quitté l’Annar Imahrouren que je constatai que le corps que je transportais s'affaissa subitement de tout son poids sur mes épaules. Un énorme poids, du fait de l’inertie. Je me suis mis à crier en français " il est mort ! Il est mort !"

Une pluie de coups s'abattit sur moi. Les soldats se reliaient pour me frapper, mais le porteur de radio ER intercéda pour moi.  Il avisa le  capitaine que  le "fell" que je transportais venait de rendre L'âme. Il s'était vidé de tout son sang, sans qu’aucun secours d’urgence ne lui ait été apporté. C’est un algérien, de surcroit un terroriste pour la France des droits de l'homme, il n'était pas selon ces tueurs sélectifs, utile de mobiliser un Sikorski pour le transférer a l’hôpital. Je sentais le liquide vital si précieux, son sang glacé me parcourir le corps de l’épaule à la cheville, dégoulinant sur mon dos, sous mes vêtements.

 Le capitaine insista pour que l’on transporta le corps jusqu’ au camp:"ça ne fait rien, continuer et faites vite ! On verra plus tard en arrivant au camp". Peut-être pensait-il qu'il n'était encore mort, et qu'avait seulement sombré dans un coma. Ou bien alors tenait-il à s'afficher avec le cadavre du maquisard tant recherché et redouté.

Le capitaine informa les chefs du camp du décès du maquisard.

 Arrivés à la baraque d’Ait Bouathmane (Hattab), a l’intérieur du camp, des médecins, des infirmiers et des officiers français étaient déjà la, attendant notre arrivée.

 Les médecins constatèrent le décès, en même temps qu'il est fait L’inventaire de ses effets. En tout et pour tout voila ce qu'Il avait par devers lui :

- une mitraillette chargée

- 3 chargeurs de cartouches intacts

- 1 boite de tabac à chiquer

- 3000 frs

 

 Après ce constat, Profitant d'un moment d'inattention, Le porteur de radio ER m'invita à quitter les lieux illico presto de peur d’être inquiété par quelques soldats zélés :" vas y ! Qu’est ce que tu attends?! Fout le camp avant que tu sois torturé "

Il m'accompagna à la sortie du camp que je quittai sans me retourner. A la maison, Je m'endors pour oublier les scènes que je venais de vivre, dans un état second.

 Le lendemain matin...

 Les militaires français exposèrent sur la place de la djemaa du village le corps du défunt. Un hélicoptère atterrit au centre du camp, a son bord des officiers venus pour a circonstance. Ces officiers de l'armée français sont venus adresser le salut militaire au maquisard tué. La mère du défunt, à genou devant le corps inanimé de son enfant, le reconnut publiquement en en criant : "Oui, c'est mon fils! " Elle poussa un youyou strident qui fit frissonner l'assistance. Les soldats présents étaient cloués au sol comme paralysés. On  pouvait aisément remarquer à la mine de ces soldats qu’ils étaient très émus devant cette scène  qui expose publiquement une mère glorifiant et pleurant son enfant unique mais non mois héros de toute l'Algérie.

 Le capitaine autorisa qu'une cérémonie religieuse soit organisé a l'attention du soldat courageux, non sans avoir rappelé a un de ses subalternes qui tentait de pratiquer une exaction sur lui, au moment ou neutralisé par la balle assassine, mais toujours encore en vie, mais sa blessure grave l'emportera, l'avait littéralement paralysé :

" Ne le touche pas, salaud! Celui-là, c'est un homme!". Il ajouta : si j'avais sous mon commandement 10 hommes de sa trempe la guerre ne durera plus de quelques mois"

Les militaires quittèrent la place, les villageois se recueillent sur la dépouille de l'enfant du village devenu grand maquisard. Il est vrai que Aroua Mohand Oussalem est mort en emportant avec lui son grade d'officier.

Dieu ait son âme

Mais la machine infernale du colonialisme inique continue son crime. Elles services de renseignements français  cherchaient à savoir si le défunt était marié. Les traitres indicateurs ont donné le nom de son épouse. Elle sera arrêtée, par le lieutenant deux galons qui, plus pour confirmer l'information, que pour la soustraire de la désormais veuve Aroua. Le lieutenant, acharné sur la pauvre femme éprouvée par le décès de son mari, lui appliqua une sanction pour le moins inhumaine. Il l'obligea, serpillère en main, de nettoyer le bâtiment de la S.A.S. Suite à quoi, il décida de le lui retirer son enfant pour la confier à sa belle mère, restée au village. Quand à la veuve, il lui intima l'ordre de quitter la région en ces termes:

Le lieutenant deux galons :" quand nous avions demandé si Aroua était marié, vous n'avez pas daigné vous montrer. Alors écoutez bien ce que je vais vous dire. Vous allez quitter cette région, et surtout que je ne vous trouve plus sur mon chemin, je vous mettrai une balle entre les yeux, si vous n'écoutez pas ce conseil. Choisissez une autre région qu'Iferhounene, je vous donne un laisser passer.

La veuve :" je veux me rendre à Bouira, chez des parents"

Ainsi se termine le récit. 20 jours plus tard...L’indépendance


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