Le ministère des Moudjahidine veut-il écrire l’histoire de la Révolution ?
Mots clés : Guerre D'Algérie, Révolution, Moudjahidine, FLN/ALN
A l’occasion de chaque 1er novembre ou 5 Juillet, le ministère des Moudjahidine émerge de sa torpeur pour nous ressortir la même rengaine sur la nécessité de l’écriture de l’histoire.

L’écriture de l’histoire du pays est une opération "sacrée et constitue une priorité du ministère des Moudjahidine, a affirmé, dimanche à Aïn Defla le ministre Tayeb Zitouni.
De qui se moque-t-on ? Un demi-siècle après l’indépendance on nous ressert encore une fois la même chanson. Les mêmes sornettes sur la nécessité d’écrire l’histoire. Cette déclaration appelle plusieurs observations.
Premièrement, l’histoire est écrite par les historiens, voire des chercheurs ou journalistes indépendants de tout organisme officiel. Car pour produire un récit sincère, le plus proche possible de la vérité historique, il faut avoir cette capacité d’analyse froide et s’affranchir de toute idée reçue.
Ensuite, est-il du ressort de ce ministère d’écrire l’histoire de la Révolution quand on sait l’OPA qu’il a imposée sur l’écriture cinématographique traitant de la Révolution ? De fil en aiguille, à supposer que ce ministère ait quelque volonté de faire écrire cette formidable épopée de la révolution, il y a quelque doute qu’il permette la production d’une histoire impartiale. Le sort fait par les canaux officiels à notre révolution, la manipulation dont elle a été victime depuis 50 ans ne nous encourage pas à accorder du crédit à ces déclarations. Malheureusement, ce département a fait œuvre de censeur de l’histoire.
Rappelons-nous en 2012, à l’occasion des 50 ans de l’indépendance, un moment d’histoire très important. Qu’ont fait les institutions à cette occasion ? Combien de films documentaires, historiques, d’ouvrages ou témoignages ont été réalisés ? Un nombre très en deçà de l’événement. Pire, on nous annonce une grande exposition financée par les deniers des Algériens pour la gloire d’un seul homme : Abdelaziz Bouteflika. Tout aussi moudjahid qu’il a pu être en quoi, est-il plus méritant de consacrer des milliards pour un seul homme ? Malheureusement cette entreprise est une autre preuve qui vient confirmer le peu de volonté du département des moudjahidine de participer sereinement à l’écriture de l’histoire.
Le ministre a fait part du lancement, au courant de cette semaine, d’une opération d’enregistrement des témoignages des moudjahidine à la faveur d’une convention signée avec la radio nationale. Pourquoi avoir attendu seulement cette semaine quand on sait que les témoins clés de cette période ont presque tous disparu ?
Heureusement, les historiens et quelques acteurs de la Révolution n’ont pas attendu les autorités pour coucher sur du papier leur récit. Aussi paradoxal que cela puisse paraître les travaux les plus importants ont d’abord été publiés en France. Car jusqu’à octobre 1988, le pouvoir est son organisation du FLN ont interdit d’évoquer des noms aussi illustres que Ferhat Abbas, Krim Belkacem, Abane Ramdane et bien d’autres encore.
La question des archives
Le ministre des moudjahidine n’évoque pas la question de l’accessibilité des archives du FLN/ALN aux historiens et chercheurs. Il y a encore des pans entiers de ces documents précieux qui demeurent inaccessibles. A titre d’exemple, selon le témoignage d’anciens officiers, les archives de la wilaya III ont été récupérées par l’ANP et mis sous séquestre au ministère de la Défense depuis septembre 1963. Ont-elles été depuis versées aux archives nationales ? Mystère !
La révolution algérienne a produit une immense masse de documents. Aussi clandestine qu’elle était, elle fonctionnait comme une véritable administration. Chaque zone, région, wilaya produisaient des rapports réguliers et détaillé sur la marche de la Révolution. Nombre d’historiens voudraient bien pouvoir consulter ces courriers échangés, les journaux de marche des unités de l’ALN pour écrire cette formidable histoire. Que sont-ils devenus ?
Il est regrettable de devoir rappeler à notre honorable ministre que ce n'est pas avec des oukases que les peuples écrivent leur histoire.
Yacine K.