Chapitre 3 : Aroua Mohand Oussalem : une icone de la Révolution algérienne
Iferhounene-1961 : le maquisard AROUA Mohand Oussalem tombait au champ d'honneur.
Aroua T. épouse du grand maquisard Aroua Mohand Oussalem Raconte :
"Nous avions été expulsés début 1957, quelques mois après l'installation de la 2ème compagnie du 6ème BCA à iferhounène. Cette évacuation forcée était la conséquence directe du harcèlement du camp militaire français par les maquisards du FLN.
Nous nous étions réfugiés au village de Tikilsa, à trois kilomètres environ à contrebas de l’éperon sur lequel sont perchés cote à cote le village et le camp militaire français d’iferhounène.
Aroua Mohand Oussalem, mon mari en l’occurrence, avait déjà pris le chemin du maquis depuis belle lurette.
En ce qui me concernait, après un bref séjour à Tikilsa, je dus me réfugiée au village de Soumer, chez mes parents où ils continuent d'y résider.
Mon mari, Aroua Mohand Oussalem, sera affecté par l'organisation FLN au Djébel Zane, un maquis escarpé situé dans la région d'El Asnam (Chleff) ou il séjournera pendant 9 mois. Nous avions pensé qu’il était mort, du fait que son déplacement avait été entouré d’une totale discrétion. A son retour, pour une permission de 8 jours, il est venu me rendre visite au village Soumer, chez mes parents, mais cette virée au village de mes parents, n'était pas passé inaperçue, et les services de renseignements français avaient été mis au parfum de son retour dans les maquis du Djurdjura et de ses moindres déplacements.
Zahia Ait Hammiche, épouse du supplétif Younes A.A fraichement rallié aux forces françaises de la 2éme compagnie du 6 6éme BCA, une vieille connaissance de la famille qui servira d'ailleurs de soutien actif aux maquisards du FLN, nous envoya un messager, à partir du camp militaire français où ils résident tous les deux, pour nous prévenir que j’étais recherchée par l'armée française. Elle me conseilla de quitter illico presto le village sous peine d’être capturée et conduite au camp pour y être torturée.
" Je dois à la vérité de préciser au passage que le harki Younes Ait A.A comptera parmi les douze "collabos" qui avaient été enfermés dans une chambre exigüe, sans fenêtres, et qui avaient succombé par asphyxie, lors des représailles post indépendance, organisées par le FLN en juillet-Aout 1962."
Pour revenir au récit des évènements de la guerre, le chef de front Ahcéne Ait Ramdame, un natif du village de Soumer, encore un parent proche qui n'est autre que mon oncle, est venu de nuit pour me chercher, et me mettre à l’abri d'une éventuelle arrestation par les forces militaires française. Par messager, Il alerta mon mari qui se trouvait dans les maquis du Djurdjura qui à son tour devait prendre une décision en ce qui me concernait, pour assurer ma sécurité qui est désormais menacée.
Ensemble, Mon oncle et moi nous avions pris le chemin des maquis qui devait, en fin de parcours, entrecoupé de haltes dans les villages placés sur le trajet, nous conduire le plus loin possible hors de la région sous contrôle de la 2éme compagnie du 6ème. Un périple qui dura 8 jours et qui nous mena au village Ait Sellan ou nous avions été accueillis discrètement dans ce village par un proche parent qui nous avait accordé le gite durant 12 mois dans la discrétion la plus totale.
Après ce séjour dans ce village, j’ai été dirigée sur un autre village, Ahdouche. Il est situé à moins de trois kilomètres d’iferhounène. Là, J’ai eu l'occasion de faire connaissance des compagnons de lutte de mon mari. Il y avait aussi avec nous ma belle mère qui venait d'arriver. Là, nous étions chargées de multiples activités, entre autres, approvisionner les maquisards en victuailles et effets vestimentaires. Nous assurions également notre tour de garde, à l'instar des hommes qui étaient tous mobilisés pour la protection des troupes du FLN quand elles venaient séjourner dans les maisons de refuge à l’intérieur même des villages. C’est ainsi que j'ai côtoyé pendant longtemps les épouses d'autres maquisards, notamment les plus célèbres dans la région comme Mohand Oussaid de Taourirt, Belaïd de Tirourda, en sillonnant les champs et les bois avoisinant les villages de Ait Saci, Ait Nzar, Ibelkissen, Ahdouche dans notre mission d'approvisionnement des maquisards, étaient notre terrain d'intervention quotidienne.
De même que J'ai pu faire connaissance à cette occasion des maquisards de la première heure, entre autres :
Ramdane Ait Baha, Belaïd de Tirourda, Si Ouarab. Mohand Oussaid Ait Saïd, Si Omar, Si Mansour. Ils étaient au nombre de 45.
Je dois à la vérité d'avouer que Younes Ait A.A. supplétif, et ancienne relation de mes parents, comme je l'avais dit plus haut, contribuera à notre protection. D’abord en me comptant parmi les natifs et résidants de ce village, lors des fouilles opérées par les soldats venus du camp d'iferhounène. Comme il était le premier à me savoir recherchée par l'armée française, il me demanda de quitter le village Ahdouche, en même temps que les autres villageois qui venaient d'être expulsés à leur tour.
En quittant Ahdouche, c'est au village de Tazrouts que je trouverai refuge ou nous serions accueillies par El Djouher Ait Ouichen, Une autre réfugiée provenant d'iferhounene.Image may be NSFW.
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A son tour, le village de Tazrouts sera évacué par l’armée française dans le cadre de la politique coloniale de concentration des populations. Je me refugie au village iferhounene, considérée comme résidente et citoyenne du village Soumer, accompagnée cette fois de mes parents qui y sont, comme je l'avais dit, originaires.
A iferhounene j’habitais chez les Hattab, dans l’anonymat le plus total.
Je continuais à travailler pour mon mari qui était resté clandestinement en contact avec moi. Il était souvent accompagnés de ses compagnons de combat. Je leur préparais leurs repas, et lavais leur linge. Sur le plan des contacts professionnels avec mon mari, je communiquais grâce à des signaux codés :
- Un tissu blanc placé à contre bas du village sur l’unique rue du village que les maquisards empruntaient, signifiait que la voie est libre. Les maquisards pouvaient circulaient dans le village pour se rendre à la maison sans aucune crainte.
-Trois pierres de forme semblable disposées sur le chemin menant au village, en longeant la maison d’Ijedh, signifiaient que la voie n'est pas libre, les maquisards ne peuvent pénétrer au village sans mettre en danger leur sécurité.
- les trois pierres absentes sur le passage des maquisards, vers le lieu dit Adhournou, toujours sur le passage de la maison de "Ijedh», les maquisards peuvent entrer au village mais en restant toujours sur leurs gardes.
- De nuit, avant de pénétrer à la maison, les maquisards se doivent de signaler leur arrivée par trois jets de pierres sur le portail de la maison. Généralement c’est vers minuit, une heure du matin qu’ils annonçaient leur arrivée. Ce n’est qu’après ce signal que je leur tendais une échelle pour sauter à l’intérieur de la cour.
Ils étaient assez nombreux, ses compagnons, à venir a la maison. Je peux citer entre autres :
Belaïd Tirourda, Si Mansour, Si Ouarab, Akli Ait Oufella d’Ahfir, Sidi idir de Djennad, Abdellah de Tizit, Ramdane Ait Baha, et Mouloud Ait Baha.
la mort d'un héros
Alors que nous étions à quelque mois de l'indépendance, au moment de sa mort, Aroua Mohand Oussalem, était accompagné de Ait Baha Mouloud. Touché mortellement D'un projectile entre les épaules, Aroua avant de succomber a eu le temps de remettre le cartable qui contenaient l'argent des cotisations, les documents concernant les ayants droits des pensions d'orphelins et des veuves de maquisards tués, ordonna à son compagnon de s'en fuir et d'en prendre bien soin.
Si Hadj Mohand F. témoin vivant raconte la mort de Aroua Mohand Oussalem :
"Aroua Mohand Oussalem et son compagnon de lutte Mouloud Ait Baha, ont été interceptés par les troupes du 6 6éme BCA au lieu dit, Vouhammou, un terrain escarpé situé a contre bas du village iferhounene.
Ce sont les soldats de la 2éme compagnie du 6éme BCA, installée a iferhounène, à 100 mètres du village, en Octobre 1956, qui les avaient repérés au lieu dit Achelkhoun, non loin du champ dit Zagou a environ un kilomètre seulement de la sentinelle du camp, alors qu'ils étaient sur le point d’être approvisionnés par les femmes en victuailles. Ils ont été donnés à l’ennemi par des collaborateurs, des traitres de la révolution.
A suivre...