Car je voyais que le tunisien et surtout Zerrouki cherchait absolument à créer un accident. Je leur dis que je ne voulais pas avoir la responsabilité d’un meurtre sur la conscience. Après cela tout le monde remonta dans les dortoirs.
Dés que les frères FLN sont arrivés au dortoir, nous eûmes une réunion au cours de laquelle je manquais de me battre avec le nommé « S » car il me disait que si nous n'avions pas obtenu satisfaction cela était de ma faute, car je n’aurais pas du dire aux frères de remonter. Je lui répondis que dans toutes les prisons de France ou j’ai passé, que j'avais toujours vu le comité FLN donner des ordres aux détenus de droit commun et non les recevoir d’eux. Mais que je voyais aujourd’hui, au lieu d’entrainer les détenus de droit commun dans notre sillon, c’était au contraire quelques uns parmi les militants dont lui »S » le premier à être entrainé par les droits communs. Je lui dis en plus que je doutais vraiment qu’il ait occupé les fonctions de chef de Kasma ou qu’il aurait été nommé par erreur, car il ne connaissait nullement la structure et les lois du parti. J'ajoutais que si vraiment tout le monde voulait que l’on déclenche une bagarre, que j'en accepterais toutes les conséquences, mais à condition que cette bagarre soit déclenché pour un motif digne de la cause pour laquelle nous sommes ici, car pour cela nous n’aurions pas à répondre devant la Fédération même s’il y aurait des morts. Mais faire tuer un militant pour un motif qui n'en vaut pas la peine, c'était impensable et que d'ailleurs moi j’étais contre ce genre de camping dans la cour de la prison. Et que s’ils m’avaient écouté; il n y avait qu’une seule chose à faire; c’était faire déclasser l’infirmier en refusant ses soins. Enfin l’incident fut clos, mais huit jours après, un militant ayant vu par la fenêtre entrer dans la détention, le procureur et le juge d’instruction de Beauvais, nous demander de nous mettre d'accord sur ce que nous répondrions en cas qu’ils viennent nous questionner. Je lui dis que cela était simple car nous n’avions qu’à leur raconter la bagarre Bourriche-infirmier et l’injustice de la part de la direction. Mais le militant demanda ce que je répondrais, si le juge me demandait qui a pris l’initiative de la rébellion. Je lui répondis que je dirais que la décision avait et prise en commun lors de notre minute de silence. Aussitôt le nommé 2S » me demanda pour quelle raison que je ne dirais pas que c’est moi qui avais donné l’ordre de ne pas remonter dans les dortoirs. Alors une fois de plus, je me disputais avec lui et lui rÉpondis qu’ayant été contre la décision, qu’en plus il n y avait eu aucun incident, il est juste que nous disions au juge que la décision était prise en commun. Mais lui qui était le moins malade de nous tous, pouvait bien dire au juge que c’est lui qui en avait donné ordre. D’ailleurs cette décision ayant été prise sous son initiative. En outre, je lui dis que chacun de nous devait prendre sa part de responsabilité puisque chacun se disait occuper dans la hiérarchie de notre parti les fonctions de grand responsable, ayant au moins en moyenne 500 militants sous ses ordres.
Heureusement, le juge et le procureur n’étaient point venus pour cette question et nous n’avions pas eu à leur parler. Mais cela a servi de motif à « S » pour ses chuchotements. Ill commença par prendre les frères un par un et il leur disait que du moment que j’avais refusé la bagarre avec les surveillants et que je n’avais pas voulu prendre seul la responsabilité, que j’étais un peureux et que par conséquent personne ne devrait m’adresser la parole.
Un soir, lorsqu’il s’est adressé a 2Z » et a « T», il fut insulté par eux et T voulait même le frapper, car lui dit-il, cela était indigne d'un militant FLN de calomnier un autre. Enfin tout rentra dans l’ordre et rien ne se passa pendant un mois environ.
Un jour, je me remis de nouveau à cracher du sang. Cela dura une semaine que l’interne venait deux fois par jour me faire des piqures et comme le sang continuait toujours a couler et que le docteur voulait absolument que j’aille a l'isolement, j’en demandai la permission a tous les frères de notre chambre, c'est a dire a tous les militants FLN du bâtiment 3. D’ailleurs les frères préféraient que je descende à l’isolement, car comme nous mangions tous à la meme table, ce n'était pas très appétissant pour eux de me voir cracher sans arrêt du sang. Enfin, je leur demandais avant de descendre, de rester tranquilles entre eux, de s’occuper de leur instruction et leur santé et surtout de cesser les bavardages sur autrui. Apres cela, j’obtins la permission du docteur pour que les frères viennent me voir tous les jours à l'isolement. Je restai tranquille a l’isolement pendant une quinzaine de jours environ quand j'appris qu’une bagarre a Éclaté au dortoir 1 entre deux détenus de droit commun a mon sujet. En effet, l’un des détenus de droit commun, le tunisien, avait raconté aux détenus, qu’un militant lui avait dit que si je me trouvais a l’isolement , c’était par punition et que cela a Été décidé pendant une réunion des militants qui m'auraient eu faire choisir entre une bonne trempe ou l’isolement. Que c’est alors que j’aurais choisi l’isolement. Aussi, un des détenus de droit commun, ayant pris ma défense en lui disant que c’était un pur mensonge, que c’était a cause du sang que je crachais que j’étais à l’isolement et que j’avais été puni. Les frères n’iraient pas me voir tous les jours….