Chakib Khelil à la caisse de retraite
La salle d’attente est bondée. L’organisation semble au point. Les agents plutôt aimables et la climatisation totalement absente. Le préposé me tend un numéro et m’explique que je me dirigerai vers le guichet trois quand mon numéro s’affichera sur l’écran.
Je m’installe pour un long moment et je regarde autour de moi. les hommes sont plus nombreux que les femmes. Ils sont nettement plus nombreux à travailler et à cotiser. Tous attendent patiemment leurs tours et semblent n’avoir déjà rien d’autre à faire.
Mon regard est attiré par une femme sans âge, habillée pauvrement qui se plaint doucement à la personne assise à ses côtés, de ne pas avoir encore eu le premier versement de sa retraite. Elle entend à peine les explications qui lui sont données et se tourne vers moi pour me dire la même chose. Un agent qui a suivi la conversation se rapproche de nous. Il a l’air compatissant et la dirige vers un autre endroit. Quand elle se lève, je remarque ses habits totalement élimés, ses pantoufles presque sans semelles et son dos vouté. Son allure de mendiante me rappelle que cette personne n’en est pas une ! Que sa présence à la caisse de retraite signifie qu’elle a travaillé, probablement très dur mais que la faible rémunération de ce travail ne la différencie pas d’une mendiante.
A cet instant, je pense à Chakib Khelil. Dans ce même pays des personnes avec des salaires très confortables ne s’en contentent pas et utilisent leurs positions et relations pour accaparer plus, dans l’illégalité et l’impunité.
La corruption n’est pas uniquement le moyen pour les corrompus de s’enrichir. Elle est en même temps un moyen insidieux et imparable pour appauvrir le pays. Les moyens détournés ne sont employés pour créer, développer, et permettre à tous de mieux vivre. Ces moyens dont la plupart quittent le pays servent en général à acquérir des biens immobiliers et garnir des comptes en banque à l’étranger. Ils sont irrémédiablement perdus pour le pays d’origine.
La corruption généralisée et à des niveaux aussi importants sape l’économie nationale, annihile les efforts et par conséquent hypothèque fortement le développement du pays.
Les pauvres deviennent plus pauvres et plus nombreux.
La corruption attaque la cohésion sociale quand des individus s’arrogent impunément le droit de détourner l’argent public. Il se crée chez la majorité de la population un sentiment d’impuissance et d’indifférence qui ruine toute volonté de s’organiser et de combattre.
Quand les corrompus puissants restent impunis, la justice devient un simple outil de répression pour les sans grades. Les fondements de l’Etat sont ébranlés et la désobéissance civile n’est pas loin.
La salle se vide peu à peu. Mon tour approche, je prends conscience du nombre de retraites à financer par ceux qui sont encore dans la vie active. L’actuel taux de chômage et l’absence de perspectives en matière d’emploi du également à la corruption me font craindre le pire. Est ce que les retraités des années à venir ne verront pas leur pensions baisser fortement ? Est-ce que d’autres algériens ne seront pas des mendiants après des années de travail ?