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Algerie : puisque personne n'en veut, alors je prend la responsabilité de gérer l,Algerie

 

La théorie de l'enfant unique de l'Algérie

par Kamel Daoud 

« Je suis candidat car personne n'est capable d'assumer cette responsabilité», a dit Raouraoua, le président de la FAF, dernièrement. C'est un peu la logique de tous ceux qui sont encore au pouvoir, à commencer par Bouteflika : celle du sacrifice de soi à cause de l'incapacité des autres. D'ailleurs bon nombre d'Algériens en sont convaincus : mis à part le régime, il n'y personne d'autre qui puisse gouverner ce pays. L'entreprise de négation de soi par soi a été donc réussie : les Algériens ne croient plus qu'ils existent. Un million et demi de morts en guerre, trente-sept millions de fantômes et quelques centaines de courtiers du pétrole et des martyrs. Cela résume l'état de l'Etat. On reste, ou on vient au pouvoir parce que «ce peuple est incapable», n'a pas de ventre et de fils, ne peut rien de lui-même et il faut tout faire à sa place. Je ne suis pas à la Présidence parce que je le vaux bien mais parce que vous ne valez rien. Regardez-vous vous-mêmes : vous n'êtes nulle part, vous ne pouvez rien faire de ce pays sauf le revendre et le manger, vous êtes impuissants et stériles. Regardez-moi : je suis obligé de faire, d'être et de remplacer. Raouraoua a même eu ce geste d'appeler d'autres candidatures que la sienne même au-delà du délai légal comme il l'a dit, confiant dans son destin d'enfant unique. Preuve par un million que vous n'êtes même pas capable de gagner une course quand on vous donne dix mètres d'avance.

Et donc les Algériens le disent aujourd'hui dans les cafés, face aux miroirs et face à leurs fils : nous n'existons pas. Si la génération 54 meurt, la génération Zéro va sombrer. Qu'est-ce donc l'Algérie a produit depuis 62 avec ses milliards de dollars en éducation, école, formations, stages, universités et discours ? Pourquoi avoir tant dépensé si tout se résumait à la proposition maquis et à la légitimité par les armes ou la guerre ? La question ne se pose pas.

Tout semble être fait pour accréditer cette idée, lui donner la légitimité d'une évidence que l'on ne peut contester : la télé, le feuilleton Belkhadem, le ridicule des maires, les émeutes, etc. Tout pousse à installer dans les esprits ce complexe d'infériorité du peuple face au régime et cette honte et ce déni de soi devant les enfants uniques de l'histoire algérienne ou de sa rente. Au point où le nouveau «colonisé» est convaincu, comme autrefois, qu'il est «arabe», paresseux, incapable de civilisation, destiné à la sauvagerie si le colon ne fait rien et ne prend pas les commandes.

La phrase de «je suis candidat car personne n'est capable» est l'équivalent local de «je suis colonisateur car personne ne travaille cette terre». Ou «je vous colonise car vous n'existez pas». Ou «je vous colonise car c'est pour votre bien». Le tout pour dire que cette phrase résume comme un slogan la pensée profonde et unique du régime chez nous. Sa psychologie de tuteur nécessaire pour peuple impossible. C'est la théorie du président par défaut depuis Ben Bella.

Sauf que c'est une arnaque : l'idée est de convaincre ce peuple qu'il n'existe pas et que la génération qui le gouverne est nécessaire car sans alternative. Sauf que le temps s'écoule. A la fin, on va payer la facture que l'on veut éviter en restant immobile : les gens qui vous demandent de ne pas les changer vont peut-être mourir. Et là on se retrouvera avec le drame : pas de relève, pas de peuple et à peine un pays. On sait que les enfants uniques n'aiment pas avoir des enfants. Ni grandir.

«Je suis candidat parce que personne n'est capable» veut dire : je suis candidat parce que tous sont des incapables. Vous surtout. Un par un.
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