![]() ![]() ![]() ![]() En raison des conventions internationales qu'elle a signées, l'Algérie ne peut prétendre porter plainte officiellement contre la France pour les atrocités commises dans le cadre des essais nucléaires opérés dans les années 60 dans les régions du Sahara. C'est ce que le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH), Farouk Ksentini, a reconnu, hier matin sur la radio nationale: «Les conventions que nous avons passées ne nous autorisent pas spécifiquement à solliciter les juridictions internationales spécialement aménagées pour ce genre de contentieux», a-t-il expliqué en évoquant, par ailleurs, la notion de prescription qui ne permet pas de poursuites pénales au-delà d'un certain délai, sauf à qualifier l'acte de crime de guerre: «Mais nous ne cherchons pas à conduire les responsables devant la justice mais à les amener à accorder des réparations aux victimes des essais nucléaires». Et à révéler les lieux exacts des essais pour évaluer les conséquences des expérimentations, déterminer le degré de contamination et, autant que possible, apporter des solutions de décontamination: «Je ne comprends pas que l'Etat français refuse toujours de lever le secret-défense sur un épisode qui a eu lieu il y a cinquante ans», s'est encore exclamé Farouk Ksentini pour lequel les essais nucléaires sont «hautement condamnables aussi bien sur le plan pénal que moral». L'invité de la radio a toutefois assuré que la CNCPPDH suit de très près l'affaire et soutient l'Association algérienne des victimes des essais nucléaires dont les plaintes se heurtent à la loi Morin sur les indemnisations des victimes du nucléaire du 5 janvier 2010 qui assujettissent les demandes d'indemnisation à l'établissement d'un lien direct de causalité. Ce qu'une association française des victimes des essais nucléaires veut faire amender en interpellant, dans une lettre ouverte, le président Hollande de s'impliquer pour que toutes les victimes se voient attribuer le principe «de présomption de causalité». Selon les informations publiées, par les médias, pas moins de 32 dossiers d'Algériens victimes demandant reconnaissance et indemnisation ont été rejetés car jugés incompatibles avec la loi Morin : «C'est une restriction exagérée qu'il va falloir revoir», a confirmé Farouk Ksentini. Sur le dossier de la torture, thème faisant l'objet d'un séminaire hier, le président de la CNCPPDH est catégorique sur l'évolution de la situation: «Le problème de la torture ne se pose plus en Algérie, ou alors de manière anecdotique. Mais je le certifie, à ma connaissance, des poursuites pénales sont engagées dès que les autorités sont mises au courant», a-t-il répondu, affirmant que les modifications apportées au code pénal en 2004 ont «mis fin à ces pratiques». Les auteurs d'actes de torture risquent de sévères sanctions allant jusqu'à la réclusion criminelle, a-t-il également assuré en soulignant que les articles du code pénal contre l'usage de la torture sont les rares dispositions de loi à avoir «un effet salutaire». Contrairement à d'autres textes qui sont «insuffisants ou pris à contresens». La loi contre la corruption en est une, selon Ksentini, qui met sur le même pied d'égalité le voleur de téléphone portable (5 ans de prison) et l'auteur d'un détournement de milliards de dinars (un maximum de 10 ans de réclusion criminelle): «Nous nous demandons encore comment le législateur a pu élaborer pareil texte», a-t-il ironisé. Farouk Ksentini, qui appelle à «une amélioration constante» des textes de loi, n'a pas raté l'occasion de s'attaquer encore une fois à «l'usage systématique» de la détention préventive - mesure exceptionnelle quand la liberté est la règle, selon la loi - qui, sans les grâces présidentielles et les libérations anticipées, mettrait les prisons dans une situation invivable: «Une moyenne de 55.000 personnes sont incarcérées en Algérie contre 65.000 en France dont la population est deux fois plus importante. Vous trouvez que c'est normal ?», s'est-il interrogé en appelant au recours au contrôle judiciaire pour les affaires délictuelles et correctionnelles: «La prison est faite pour les condamnés définitifs, pas pour la détention préventive.» Il a également suggéré l'installation de chambres des libertés qui décideront de la mise en liberté ou la prison pour éviter que ce pouvoir ne soit entre les mains du seul juge d'instruction. D'après Farouk Ksentini, le taux de personnes emprisonnées au titre de la détention provisoire avoisine les 35% de la population carcérale contre 10 à 11% pour le ministère de la Justice qui, d'après lui, comptabilise seulement «les personnes placées en détention préventive par le juge d'instruction» alors que la loi parle de «toutes les personnes incarcérées, non condamnées de manière définitive». |