Quantcast
Viewing all articles
Browse latest Browse all 5634

Michel Rocard,l'incontournable philosophe

e Point.fr - Publié le 28/01/2013 à 18:48 - Modifié le 29/01/2013 à 13:28

Réduction du temps de travail, recul de l'âge de la retraite. Les solutions de l'ancien Premier ministre détonnent. Et s'il avait raison ?

Image may be NSFW.
Clik here to view.
Pour Michel Rocard, "la France est dans une situation terrifiante (...). Il y a le feu." Il présente ses solutions.

Pour Michel Rocard, "la France est dans une situation terrifiante (...). Il y a le feu." Il présente ses solutions. © Eric Piermont / AFP

Michel Rocard nourrit toujours autant la réflexion sur la meilleure politique économique. À 82 ans, l'ancien Premier ministre deFrançois Mitterrand a trouvé le moyen de braquer à la fois la gauche et la droite dans une interview accordée au JDD. Non content de critiquer la politique de rigueur du gouvernement, il propose de reporter l'âge de la retraite à 65 ans, mais aussi de réduire la durée hebdomadaire de travail à... 32 heures !

De quoi se demander si le héraut de la seconde gauche, jusque-là considéré comme gestionnaire et moderne, n'a pas perdu les pédales. Recommander de travailler tout à la fois plus longtemps et moins longtemps, il fallait oser ! Mais à y regarder de plus près, la logique décrite dans son livre coécrit avec l'économiste Pierre Larrouturou est parfaitement huilée. La baisse de la durée hebdomadaire de travail vise à s'attaquer vite et fort à l'explosion du chômage. Le raisonnement est intuitif : si chacun travaille un peu moins longtemps, cela libère des emplois pour les chômeurs. "À court terme, il y a bien une concurrence entre durée du travail et emploi", confirme Éric Heyer, directeur adjoint au département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Les sceptiques répliqueront que les Français ne travaillent déjà pas assez et que les 35 heures ont plombé la compétitivité française. Sauf que la réalité est plus contrastée. "Contrairement à une idée reçue, si on regarde les statistiques de la durée annuelle de travail, on s'aperçoit que les Français ne travaillent pas moins que les autres", rappelle Éric Heyer. En moyenne annuelle, un Français passe, selon lui, environ 10 % de plus de son temps au bureau qu'un Allemand et 17 % de plus qu'un Hollandais. Mais moins qu'un Anglais ou un Américain. 

Des réductions du temps de travail différentes

Pendant la crise, l'Hexagone fait partie des grands pays industrialisés qui ont le moins réduit le temps de travail pour faire face à la mauvaise conjoncture. Pendant que Nicolas Sarkozy continuait à subventionner les heures supplémentaires, l'Allemagne recourait massivement au chômage partiel. En 2009, 1,5 million de salariés étaient concernés par cette mesure outre-Rhin contre seulement 245 000 en France, selon Éric Heyer. Le consensus social a aussi permis aux entreprises allemandes de signer des accords de maintien de l'emploi, c'est-à-dire de baisser le temps de travail moyennant un gel ou une baisse des salaires ou la liquidation des comptes épargne-temps.

La France se distingue en fait par la méthode utilisée pour réduire le temps de travail avant la crise. Avec les 35 heures, "ça a été fait de manière plutôt autoritaire pour tous les salariés à temps plein, quelle que soit la taille de l'entreprise", constate Éric Heyer. L'Allemagne a choisi une voie plus souple en misant sur le développement plus important du temps partiel. Si les personnes à temps plein travaillent plus longtemps de l'autre côté du Rhin, 34 % des salariés occupent un temps partiel contre seulement 17 % en France. Et ces salariés travaillent en moyenne 18 heures par semaine en Allemagne, contre 23 heures en France.

Bilan, en prenant en compte les temps pleins et les temps partiels de tous les actifs, "en France, les salariés travaillent en moyenne 36,5 heures par semaine, contre moins de 33 heures en Allemagne et moins de 31 aux États-Unis", estime Michel Rocard. Il y aurait donc de la marge pour passer aux 32 heures par semaine. 

Vers la fin de la croissance ?

Une mesure qui semble cohérente si on considère, comme Michel Rocard, que la France ne sera plus jamais capable de générer le point et demi de croissance nécessaire pour absorber les 150 000 entrées nettes enregistrées sur le marché du travail chaque année du fait de la démographie. "Nous devons établir nos budgets et nos politiques de l'emploi en misant sur une croissance zéro... C'est une vraie révolution", plaide l'ancien Premier ministre. Quid du coût de la mesure pour les entreprises ? Elle serait compensée par une baisse de leurs cotisations sociales, elle-même financée par la baisse attendue du chômage.

Mais le risque est de faire baisser définitivement la durée du travail, ce qui serait à coup sûr un handicap en cas de reprise économique. Lorsque l'économie va bien, l'augmentation du temps de travail peut être nécessaire pour répondre à la demande et entretenir la croissance. C'est pourquoi Michel Rocard se trompe peut-être de méthode. Des solutions alternatives sont d'ailleurs explorées, comme le recours aux accords de maintien de l'emploi dans les entreprises qui en auraient besoin ou le recours au chômage partiel. 

Travailler plus, sur toute une vie

Si le temps de travail doit pouvoir être réduit en période de vaches maigres - comme le montre l'exemple de l'Allemagne -, la France doit tout de même être capable de financer son système de protection sociale. Afin d'y parvenir, l'instigateur du livre blanc sur les retraites de 1991 prône un allongement de la durée de cotisation : "Travailler plus longtemps résoudrait le sous-emploi des seniors. Ce serait un apport considérable", affirme-t-il. 

Il faut en tout cas augmenter le taux d'emploi aux deux extrémités de la population active, considère Éric Heyer. "En France, on rentre tard sur le marché du travail et on en sort tôt. Le taux d'emploi des jeunes et des seniors est parmi les plus faibles des pays développés, avec l'Italie." Reste à trouver une solution pour les intégrer sur le marché du travail. Car, pour l'instant, le report de l'âge légal de départ à la retraite s'est surtout traduit par la hausse des seniors sans emploi.

*La gauche n'a plus le droit à l'erreur, Flammarion, 19 euros. 

Image may be NSFW.
Clik here to view.
Click here to find out more!

Viewing all articles
Browse latest Browse all 5634

Trending Articles