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"Toutes ces choses que je n'ai pas dites" aux editions createspace-Amazon par Abdenour Si Hadj Mohand

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Chapitre 2 : Fumer et boire dans un village kabyle
il rassembla les vieux que l'on appelait "les sages de la famille" pour dénoncer publiquement, de façon cynique et arrogante si  conforme a ses habitudes, le comportement présumé hors norme de cet orphelin qui venait justement de faire une entrée fracassante dans le monde des adolescents. Il faut dire que le climat environnemental s'y prêtait amplement, d'autant plus que Nour est lycéen, sportif et de surcroit ...amoureux, au milieu d'une société autarcique, austère et conservatrice.10260.jpg
Pendant que la réunion se tenait a la "maison d'en haut", Akham Oufella, El hadj Larbi,le cheikh du village, qui est aussi le meneur de la prière a la mosquée du village, lui qui s'était fait une réputation de ténor et de meneur du jeu a cause de ses fanfaronnades habituelles, a l'occasion des fréquentes assemblées qui se déroulaient a la Djemaa. Non loin de la "Maison d'en haut", a Thaghoufets, la chambrette du 1er étage, Nour tentait de trouver un moment de répit dans son refuge, ou il avait l'habitude  de se retirer pour s'allonger dans son lit kabyle, pensant a milles et une chose a la fois, ou lisant les rares livres qu'il se procurait de temps a autre. C'est dans cette chambre située au 1er étage d'une de ces multiples batisses de ce groupe de maisons disparates des Ait  Cheikh qu'il a, a la lumière d'une torche electrique, passé une nuit a "avaler" l'ouvrage de Mohand
Arab,"Heureux les martyrs qu n'ont rien vu".
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Voila donc Hadj Larbi, entouré des tous les vieux et des moins vieux de la famille, qui commençait a tonner comme un orage d’été sur l'ombre de Nour qu'il croyait intimider voir subjuguer, apprivoiser, posséder même, a cause de l'infraction a la loi coutumière, a la charia, et a la réputation de la famille que le vieux croyait avoir relever dans le comportement de ce jeune adolescent. il annoncera d’emblée l'objet de la réunion, en l'enrobant copieusement de ses pharisaïques phrases qui lui sont si coutumières en de telles circonstances :
" Voyez-vous mes chers auditeurs, pourquoi nous avons pensé une réunion urgente a cette heure-ci de la journée? Comme vous pouvez le remarquer,  il est déjà 21 heures, il se fait déjà tard. Et bien je vais droit au but, et je vous avoue que je n'ai pu retenir ma colère, ma rage je dirais tant les faits sont offusquants, insoutenables!. C'est de Nour qu,il s'agit. je vous en conjure au nom d'Allah de croire tout ce que je vous dis la , car c'est de mes propres yeux que j'en ai fait le constat : j'ai surpris Nour en train de fumer ! . et, tenez-vous bien, je l'ai aperçu fumant une cigarette d'une longueur jamais vue de ma vie.c'est a croire que même les cigarettes des Ath Ougueni sont aussi longues que leurs statures", ajouta-t-il sans savoir s'il voulait plaisanter ou enfoncer encore davantage le jeune Lycéen Nour.
En effet, le but n’était-il pas justement de dévaloriser Nour Aux yeux de ses proches et voisins? Car enfin, a cet age, dix sept ans a peine, la chape de plomb des coutumes et us kabyles devaient s'abattre sur toutes velléités de différentiation, de singularisation emprunte d'un soupçon de modernité. De ce fait fumer était considéré par ces villageois comme un acte de révolte, pire ! une sorte de reniement, de remise en cause dirigée contre la sagesse des ancêtres. un geste futile certes, mais qui peut se traduire a la longue par une dégénérescence du comportement, une ruine morale et financière. Mais ce n’était pas l'aspect hygiène encore moins sanitaire qui était mis en avant dans l'argument des "vieux" du village. C'est l,audace qu'un jeune met a sortir du lot en remettant en cause le conformisme qui régimente la société. De ce fait, "boire ", qui ne signifie rien d'autre que boire du vin, était considéré comme un crime inexpugnable. C'est vous dire que les jeunes,plus que les autres, sont livrés dans ces villages kabyles du siècle post indépendance a la vindicte des jugements primitifs de ces êtres incultes dont le cerveau s'est abreuvé a la source de L'ignorance des sociétés archaïques. Ne cherchez donc pas les raisons profondes a cette règle générale, ou encore des arguments sous-tendant cette réaction collective des générations vieillissantes. la science n'a pas pointé son nez dans ces hauts mamelons et vallées profondes.le lien entre fumer ou boire et la préservation de la santé est invisible pour ces primitifs dont la prévention des risques reste du domaine intuitif.
Soudain,une voix tonitruante vibra dans un tonnerre de cordes vocales métalliques." c'est celle de Belkacem, un revenant, après un long séjour a la frontière franco-allemande, précisément a Forbach. Cet ouvrier des mines de charbon, est resté imperméable, avec une étanchéité sans faille a la civilisation occidentale.Il est vrai qu'a la frontière allemande, le milieu ouvrier est plutôt cosmopolite, on y apprend la langue allemande, le portugais ou le kabyle, du fait de la présence d'une forte proportion de villageois de la région de la Kabylie,  mais pas le français.Et il n'est pas étonnant de voir un émigré revenir après 20 ans d'absence connaissant pas plus d'une dizaine de mots en français, mais maitrisant la langue de Goethe a la perfection.
Belkacem n'est en fait, ni plus ni moins que le fils ainé de Hadj Larbi, mais sa longue absence du pays, et ses weekends français l'ont tout de même quelque peu transformé malgré son instinct de conservation très développé : il fume, il chique et cela lui était arrivé même de boire, sans vraiment en être devenu dépendant. La bonne chair, la française, il sait donc ce que c'est le sacré Belkacem !
Exaspéré par l'introduction aussi arrogante qu'ostentatoire de son père, la considérant, au moins, comme une ingérence dans le vie privée des autres, et au plus comme une agression gratuite contre un jeune orphelin, il rétorqua  aux propos que venaient de prononcer Son père El hadj Larbi, en balayant du regard l'assistance comme pour tenir a témoin les auditeurs. Il vociféra sans s'interrompre une seule fois :
"Oh ! toi qui parle des enfants des autres ne les diabolisant, tu devrais plutôt surveiller ton fils qui est pourtant plus jeune que Nour. Pour ta gouverne, ton fils, non seulement est un grand fumeur, mais aussi il est un véritable tonneau a bière. Une éponge. Et bien, s'il fallait un prétexte a tout, je crois comprendre cette réunion que tu as voulu provoquer contre le gré de tous, est justement la meilleure occasion pour toi de t'informer sur le véritable comportement de ton fils. cesse donc de diaboliser la progéniture des autres et occupe-toi d’éduquer tes propres enfants, cela serait déjà une lourde tache pour toi."
l,assistance médusée semblait être  d'un coup saisie de stupéfaction, après cette salves d'informations balancée a la figure des membres présents, et que le cheikh hadj Larbi reçut comme une gifle. Un silence gênant envahit l,atmosphère de la salle qui sera interrompu par un autre orateur encore plus cynique pour ne pas dire effronté.
- "Et bien puisque vous êtes ici a vous réunir sur les faits et geste d'un jeune adolescent, lycéen, de surcroit absent a la réunion, je vais vous en donner, moi des informations secrètes sur vos enfants,mineurs, adulescents ou adultes soient-ils!
Tenez, que dites vous alors de Sadock, de Houssine, Abdelkader, et de tous Abd...etc.
ils sont tous fumeurs ou chiqueurs ou les deux a la fois,quand cela ne leur arrive pas de gouter un peu  au Pikhou(1), Dans sa lancée, l'orateur ne s'est pas trop encombré de citer même les beaux fils et les gendres venus d'autres familles, d'autres villages, c'était le déballage a grande échelle...des affaires de la famille au sens de la smala d'Abdelkader
ce discours fleuve n'a pas manque de dévoiler les secrets de tout un chacun et cela s'apparentait plus a un sociodrame qu'une dénonciation de réfractaires a la loi de la tribu, aux us et coutumes de musulmans ascètes.
l'atmosphère commençait paradoxalement a se détendre, et comme on dit, dans le jargon arabe : la catastrophe vécue en commun,  vaut un beau spectacle
 
1, Pikhou : nom péjoratif donné par les kabyles montagnards au vin
 
 A suivre.....

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