Entretien avec Louisa Hanoune, secrétaire générale du PT

Dans cet entretien réalisé juste avant le remaniement ministériel du jeudi 14 mai, la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune aborde de nombreux sujets : elle dément son soutien au quatrième mandat de Bouteflika, explique son désaccord avec Ali Haddad et revient sur son conflit avec l’ex-ministre de la Culture, Nadia Labidi.
Il y a un an, vous avez soutenu le président Bouteflika pour un quatrième mandat. Est-ce que vous le soutenez toujours ?
C’est une étrange lecture politique. Faut-il rappeler que le Parti des travailleurs avait présenté son propre candidat à la présidentielle de 2014 ? Nous n’avons soutenu aucun mandat d’Abdelaziz Bouteflika. Si le Parti des travailleurs était en total accord avec tout le programme du président de la République, il n’aurait pas hésité une seconde à le soutenir ouvertement. Nous ne sommes pas des hypocrites, notre politique n’est pas duelle. Nous avons soutenu des décisions qu’il a prises et nous avons combattu par le passé l’orientation économique des différents gouvernements d‘Abdelaziz Bouteflika qui l’ont mise en œuvre. Le PT était le seul parti qui a combattu les politiques mise en œuvre par Chakib Khelil, Temmar, Benachenhou et qui a aussi combattu Khalifa.
Vous avez tout de même critiqué les opposants au quatrième mandat du président en les qualifiant d’ «anti-démocrates»…
Nous ne sommes pas des partisans de la limitation des mandats car elle signifie la confiscation de la souveraineté du peuple. En revanche, nous sommes pour la révocabilité des mandats afin que le peuple puisse révoquer ses représentants à tous les niveaux ; des assemblées locales à l’Assemblée populaire nationale jusqu’au président de la République. Au PT, nous n’avons jamais soutenu la candidature de Monsieur Bouteflika, ni l’ensemble de sa politique d’ailleurs. Nous avons soutenu la Charte pour la paix et la réconciliation par exemple tout en expliquant qu’elle est insuffisante. Pourquoi voulez-vous qu’on ne soutienne pas le président quand il intègre le 51-49% dans la Loi de finances complémentaire de 2009 et celle de 2010, ou bien lorsque, faisant le bilan des « réformes économiques » c’est-à-dire des privatisations que nous avons combattues, il a réorienté sa politique en arrêtant les privatisations des entreprises publiques, des banques publiques ou quand il décide d’abroger l’article 87 bis, ou de promulguer le code de nationalité? Ces mesures même partielles font partie du combat du PT.
Vous avez salué sa réélection ?
C’est un mensonge. J’ai suivi le dépouillement du scrutin du 17 avril 2014. Et en fin de journée, j’avais la tendance générale. J’ai écouté les Algériens dont je connais la mentalité. Ils ne supportent pas ce qu’on appelle la « Hogra ». Ils ne supportent pas que plusieurs personnes s’acharnent contre quelqu’un surtout lorsqu’il est diminué. Nous avons combattu des options économiques de certains candidats qui ont fait une campagne électorale en direction de l’extérieur promettant la remise en cause de la règle des 51/49, la flexibilité des relations de travail, le retour à la privatisation. Faut-il rappeler que le PT a combattu la politique socio-économique de l’ex-Chef de gouvernement d’Abdelaziz Bouteflika et candidat aux dernières présidentielles ? J’ai salué le peuple algérien, les citoyens qui ont voté comme ceux qui se sont abstenus, car il a empêché le chaos à l’occasion de la présidentielle de 2014. Le peuple a mis en échec une solution à la kenyane (partage de pouvoir entre le président sortant et son ex-premier ministre) j’ai respecté la volonté du peuple qui a résisté pour préserver le pays du chaos et de l’ingérence étrangère.
Est-ce que des lignes rouges ont été franchies ? Qu’est ce qui a changé après le quatrième mandat ?
Après le quatrième mandat, le président de la République n’a pas changé officiellement son orientation économique. À chaque fois que des responsables étrangers tentent de faire pression, il dit : « Tant que je suis président, je ne toucherai jamais à la règle 49-51% ». Mais le constat est là, cette règle est dévoyée pour servir l’oligarchie qui s’associe aux multinationales dans plusieurs secteurs avec souvent les mêmes personnes. Sur le plan de l’emploi par exemple des efforts importants sont faits, malgré les insuffisances et la persistance de la précarité dans ce domaine.
Mais nous sommes en train de constater que ce qui est fait sur le terrain par des ministres ne suit plus la même orientation. On a relevé un glissement qui a servi à l’émergence très brutale de l’oligarchie que nous combattons avec force car elle met en danger l’État algérien et donc notre pays, dans la situation politique internationale et régionale marquée par la dislocation des nations à cause des interventions militaires étrangères et des interférences dans les affaires internes des pays. Tout le monde le sait notre pays est dans l’œil du cyclone depuis des années et l’État algérien comme acquis fondamental de l’indépendance nationale est en danger de mort.
Sur la question du refus de l’ingérence étrangère dans les affaires des pays et le rejet de toute participation de l’armée nationale populaire dans les guerres impérialistes, la position de l’Algérie n’a pas changé et nous sommes d’accord. Mais nous avons plaidé pour le retrait de notre pays de la Ligue arabe car c’est un cadre qui avalise des positions contraires à celles de la diplomatie algérienne comme c’est le cas de la légitimation des guerres impérialistes en Libye, en Syrie ou au Yémen.
Qui sont ces ministres entachés qui représentent 30% du gouvernement selon vous ?
C’est aux institutions de l’État de faire les investigations, c’est à la justice de s’autosaisir. Nous avons des preuves et nous avons connaissance de faits concrets. 30% des ministres sont entachés à des degrés différents ce qui veut dire que 70% des ministres n’ont pas dilapidé les biens publics. Parmi les 30 % certains sont eux-mêmes des oligarques qui servent les intérêts de l’oligarchie à travers un siphonage gigantesque des fonds publics en donnant des marchés en exclusivité à quelques personnes, toujours les mêmes et pas au privé algérien traditionnel qui a toujours existé en Algérie. J’ai cité, à titre d’exemple les contrats qui concernent les équipements hospitaliers et l’acquisition par l’État des accélérateurs pour la radiothérapie dans le cadre du plan national contre le cancer et c’est une très bonne chose. On sait que ce n’est pas l’actuel ministre de la Santé qui a signé le contrat. Le problème est où? Au cours de l’été 2014, l’actuel ministre de la santé annonce la création d’une entreprise sur la base de 51-49% et que les 51% reviennent au président du FCE qui n’a rien à voir avec le secteur de la Santé. C’est de la dérèglementation. Et par la suite, il déclare que l’État ne peut pas imposer aux multinationales leurs représentants en Algérie. C’est d’une extrême gravité car c’est l’État qui a payé les sommes colossales et c’est cet entrepreneur dans le domaine des travaux publics qui devient l’intermédiaire entre les multinationales et les hôpitaux publics. Qu’est-ce que les travaux publics ont à voir avec la santé ?
Or, dans la foulée de la LFC 2009, l’État avait même créé en 2010 une agence qui s’appelle l’ARESS chargée justement de l’acquisition des équipements hospitaliers. Quand j’ai soulevé ces problèmes, j’ai eu droit à l’insulte au lieu d’une réponse. Il existe 20 organisations patronales. Mais depuis six mois, nous n’entendons parler que de trois, quatre ou cinq personnes à la direction du FCE qui faut-il le rappeler comporte aussi une vingtaine d’entreprises publiques qui sont en réalité les plus gros pourvoyeurs d’emplois et les plus importantes en terme de production et de chiffres d’affaires dans le FCE. Le Premier ministre a affirmé qu’il n’y aura plus de gré à gré sauf dans des cas extrêmes d’utilité publique. Mais le gré à gré est resté une règle pour certains responsables et les 51% dans le cadre d’un partenariat avec les étrangers reviennent toujours aux mêmes personnes.
Vous critiquez souvent Ali Haddad par rapport à l’ouverture de certains secteurs au privé. N’est-il pas dans son rôle en tant que président d’une organisation patronale ?
Nous allons tout droit vers la création de monopoles privés, ce qui est extrêmement dangereux. Le privé traditionnel et les EPE sont menacés de disparition. Avant M. Haddad, il y avait d’autres patrons à la tête du FCE. Aucun d’eux ne s’est comporté de la sorte, ni avait l’arrogance de l’actuel président du FCE.
Aujourd’hui, nous constatons la transformation de la quantité en qualité. Le problème de l’actuel président du FCE c’est qu’il parle au nom de l’État comme il l’a fait avec les ambassadeurs et les délégations étrangères qu’il a reçus en leur promettant au début la suppression de la règle 49-51% avant de changer d’avis puisque c’est lui qui prend souvent les 51%. Il a fait la tournée des ministres, du parlement et il parle de l’ouverture de tous les secteurs sauf l’ANP, y compris privatiser les services, les prisons, la police etc.
Nous n’avons aucun problème personnel avec M. Haddad qui s’active dans les travaux publics depuis le début des années 1990. Nous savons qui sont les responsables, anciens et actuels, qui l’ont engraissé depuis à travers des marchés de gré à gré. Cela a d’ailleurs permis à sa boite de connaitre cette fulgurante ascension d’aujourd’hui. Je ne dis pas qu’il a volé de l’argent. Il est en train de siphonner l’argent public grâce à ceux qui le représentent à l’intérieur du gouvernement, ce qui est selon moi une prédation institutionnalisée. C’est pour cela que nous parlons de volonté de privatiser l’État au profit de cette poignée de personnes. Dans le même temps il y a un État parallèle qui se met en place.
Monsieur Haddad prend des marchés de gré à gré depuis 20 ans. Et avant qu’il ne devienne président du FCE et avant que quelqu’un ne lui mette dans la tête qu’il peut devenir président de la République ou Premier ministre, je n’avais jamais parlé de lui. Et ce qui m’inquiète le plus aujourd’hui c’est le silence des responsables devant les dérives en cours.
La politique de l’importation qui a frôlé les 60 milliards de dollars en 2014 est criminelle pour le pays. L’ouverture tous azimuts du commerce extérieur a ouvert la voix au transfert illicite des devises par le truchement de la surfacturation. Les importations massives et sans limite tuent la production nationale publique et privée et avec la chute des revenus pétroliers il devient vital pour la nation de mettre fin à la saignée des devises au risque d’assécher les banques et le trésor public, ce qui provoquera des troubles qui pourront ouvrir la voie au chaos.
Des mesures ont été prises pour limiter les importations…
Mais la gloutonnerie de l’oligarchie n’a pas de limite. Par exemple, j’ai pris connaissance du dossier d’un gros importateur qui a importé des produits relevant de plusieurs secteurs. Les chiffres donnent le tournis, les sommes sont monstrueuses. De toute évidence il y a surfacturation pour faire sortir des devises à l’extérieur du pays et acquérir des biens à l’étranger pendant que dans le pays il y a beaucoup de citoyens qui tirent la langue.
En effet, le Premier ministre, vient de donner instruction par lettre aux membres du gouvernement à l’effet d’entamer l’opération de remise à l’Organe national de prévention et de lutte contre la corruption (Onplc) des déclarations de patrimoine relatives aux agents publics. Nous considérons que c’est une bonne décision, mais pour qu’une telle mesure soit efficace, il faudrait que la déclaration concerne tous les membres de la famille de l’agent public, les collatéraux jusqu’au 4ème degré. Cela suppose aussi le rétablissement des enquêtes d’habilitation pour tous les responsables, en premier lieu pour les nominations au gouvernement.
Monsieur Sellal a également annoncé des mesures pour la lutte contre les importations frauduleuses. Là aussi nous ne pouvons qu’être d’accord avec une telle mesure, à la seule condition qu’elle ne concerne pas seulement les petits importateurs, elle doit surtout concerner les gros importateurs qui saignent l’économie nationale.
Qui dirige ce pays et qui a donc permis qu’on arrive à cette situation ?
Pour nous, le président de la République est le premier responsable de ce pays et est habilité à prendre des décisions. C’est la raison pour laquelle on s’adresse directement à lui. Mais comme c’est le cas dans tous les pays du monde, il peut se tromper sur le choix d’un ministre. On ne peut pas savoir, tout le temps, ce qu’il y a dans le ventre de X ou de Y. Cette dérive confisque y compris les missions de l’État. Nous avons déjà tiré la sonnette d’alarme en s’interrogeant : « Est-ce que cet entrepreneur est devenu le président de la République ? » Il donne des orientations à des ministres de la république dans différents secteurs. Le Premier ministre est le représentant du président de la République, c’est lui qui doit prendre des décisions et donner des orientations et non pas le chef du FCE. Et vous avez des ministres qui sont fascinés, comme s’ils étaient hypnotisés par ces nouveaux riches. Cela s’est produit avec Khalifa et c’est le même scénario qui se reproduit devant nos yeux. Et le plus inquiétant c’est que le scandale de Khalifa n’a pas servi aux responsables pour tirer les leçons. Car aujourd’hui il y a plusieurs Khalifa et plusieurs Temmar. Cela dit, il y a des ministres qui résistent et qui refusent des interférences dans leurs secteurs.
Qui sont ces ministres qui résistent ?
Je ne veux pas attirer les foudres sur les ministres qui résistent. Des ministres, des hommes et des femmes disent : « Niet, il n’y aura pas de pillage dans mon secteur ».
Vous parlez de montée d’oligarchie, d’un État parallèle, de pillage. Pensez-vous que le président ou le Premier ministre n’ont pas les informations que le PT a pu avoir ?
Pour un certain nombre de cas, ils ont les informations. Le président a toutes ses facultés mentales et il suit ce qui se passe, il y a même une diplomatie parallèle qui s’installe. Mais qu’est-ce qu’il va faire ? Quand est ce qu’il va le faire ? Je n’en sais rien.
La période que nous vivons actuellement n’exige-t-elle pas un autre président qui disposerait de toutes ses capacités notamment physiques ?
C’est l’affaire du peuple algérien. Moi je tire la sonnette d’alarme. Je crois que les Algériennes et les Algériens cherchent des solutions concrètes à leurs problèmes et demandent à être rassurés. Je lis les déclarations de certains chefs de partis qu’on appelle « l’opposition ». Pour eux, le problème est le président de la République. Nous pensons que c’est le système qu’il faut changer et non pas la personne. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes battus pour la réforme politique avant que le président s’engage sur cela.
À quel titre vous avez rencontré le frère du président ?
Je ne l’ai pas rencontré depuis l’investiture d’Abdelaziz Bouteflika. Saïd Bouteflika a un statut de conseiller spécial. Je l’ai rencontré avant la présidentielle quand j’ai rendu visite au président de la République. Il nous arrive d’avoir des échanges au téléphone. Par exemple, quand il y a des problèmes, il m’arrive de l’alerter pour qu’il transmette le message au président de la république vu sa proximité avec le président. Je m’adresse à tous les responsables politiques car nous cherchons des solutions.
On vous accuse de vouloir vous placer dans l’après-Bouteflika ?
C’est une maladie chez certains politicards algériens. C’est une vue de leur esprit. À ma connaissance, la santé du président est bonne. Et Bouteflika ne cède jamais ses prérogatives. Il peut confier au Premier ministre ou à quelqu’un d’autre une tâche mais personne ne peut parler en son nom. Si je sers les intérêts du président ou de son frère, comment je pourrais me placer comme vous le dites dans l’après Bouteflika. Depuis bientôt 40 ans, jamais quelqu’un n’a osé me dicter quelque chose en dehors de ma conscience. Jamais, pas même le président de la république avec qui les relations politiques ont toujours été fondées sur le respect mutuel. Le PT est un parti indépendant et objectif. On ne s’oppose pas pour s’opposer, nous ne sommes pas des courtisans. Nous ne faisons pas partie de la clientèle.
La ministre de la Culture, Nadia Labidi, a déposé plainte contre vous pour diffamation…
Au lieu de répondre sur les déclarations et les preuves que nous avons apportées, elle a pris une décision, qui est certes un précédent, de m’ester en justice. La ministre de la Culture n’a demandé l’aval de personne. Même le Premier ministre n’était pas au courant et j’en suis certaine. Donc elle va assumer ses responsabilités. Mais à toute chose malheur est bon. C’est vrai que l’immunité parlementaire protège le député dans ses déclarations en relation avec ses missions. Mais moi, je veux que la justice suive son cours normal parce que le député n’est pas un citoyen hors norme. Ça ne sera pas mon procès mais celui du siphonage de fonds publics, de la prédation, du conflit d’intérêts…
Quand est-ce que vous comptez renoncer à l’immunité parlementaire ?
J’ai saisi par écrit Mr le président de l’Assemblée populaire nationale et Mr le ministre de la Justice pour les informer que j’abandonne l’immunité parlementaire et qu’ils peuvent entamer les démarches normalement dans ce sens. J’attends leurs réponses. Je vais démontrer que nous n’avons pas inventé les accusations contre elle. En lisant sa lettre dans laquelle elle me menaçait de poursuite judiciaire, j’ai beaucoup rit. Je suis allée en prison sous le parti unique et je n’ai pas renoncé à mes combats une fois sortie de prison, d’ailleurs la détention avait forcé mon destin. Durant la décennie noire, je recevais des menaces de mort et je n’ai pas renoncé à mes positions. Durant mon premier mandat de député, je recevais des menaces de mort écrites avec des délais me demandant de démentir mes propos par exemple au sujet des disparus de la tragédie nationale. Je n’ai pas changé de position. Aujourd’hui aussi, je ne renoncerai pas, je vais continuer. Quelques députés et certains journalistes très intéressés défendent Mme Labidi en s’attaquant à Mme Toumi. Mme Toumi s’était toujours présentée pleine d’assurance à la commission des finances de l’APN, car elle n’avait rien à se reprocher. Contrairement à d’autres ministres, elle ne s’était jamais dérobée des auditions organisées par la commission des finances de l’APN à l’occasion des lois sur le règlement budgétaire.
Sa gestion a été à plusieurs reprises remise en cause notamment par la Cour des comptes…
Vous vous trompez. Jamais la Cour des comptes n’a retenu contre elle quoique ce soit, pas même un seul centime. Elle a répondu à toutes les questions, y compris celle d’un achat d’un fax par exemple.
Ce n’est pas ce qu’on a lu dans les rapports…
Le rapport relève des anomalies, et le ministre apporte des clarifications. Mme Toumi est une vraie républicaine, nationaliste et patriote. Elle est souverainiste jusqu’à la moelle, elle respecte les lois de la République et le fonctionnement de l’État. Mme Toumi est rentrée avec un salaire et sortie avec un salaire. Elle n’a jamais possédé une boite dans le secteur qu’elle dirige, ni dans un autre secteur. Elle n’a jamais été dans une situation de conflit d’intérêts. Mme Toumi n’a pas distribué des contrats à ses copains et à ses amis et a veillé sur les deniers publics jusqu’au dernier centime. Elle était à la limite de la politique d’austérité. Celui qui a la moindre preuve sur Mme Toumi, je lui dis : chiche. Tout le monde sait qu’un ministre qui quitte le gouvernement a l’obligation de réserve, et il ne peut pas se défendre publiquement ni déposer de plainte. Il y a quelque chose d’immoral dans les attaques qui la ciblent.
Au Panaf en 2009 ou à Tlemcen, capitale de la culture musulmane et dans d’autres événements, nous n’avons pas vu d’austérité…
Ces événements ont été organisés suite à des décisions politiques prises par le président de la République. Mme Toumi a appliqué les instructions sans gabegie, dilapidation, prédation ou siphonage. Ce n’est pas elle qui a inventé des dizaines de boites de communication qui ont englouti des sommes colossales.
Quelle lecture faites-vous de ces procès contre la corruption qui interviennent presque au même moment ?
Mieux vaut tard que jamais ! Cela dit, nous sommes contre la précipitation dans le traitement de ces procès. Pour que l’Algérie puisse avancer, il faudrait qu’on fasse la lumière sur tout ce qui s’est passé. D’abord, on dit que le procès de Chakib Khelil doit être rouvert. Le bonhomme avait mis en place un système de corruption extraordinaire. Et là où il a commis tous ces forfaits, le procès est toujours dans les tiroirs. Pour l’autoroute, nous avions dit que l’ancien secrétaire général du ministère des Travaux publics était innocent. Nous étions convaincus. Il vient d’être relaxé mais cela ne suffit pas car il n’a pas pu réintégrer son poste. Même sa femme qui était une brillante juge a été rétrogradée. Des cadres intègres sont mis en prison alors que d’autres pillent impunément.
Que pensez-vous de l’audition de Rafik Khalifa ?
C’est irréel. Ce qui attire l’attention est que l’homme est trop serein et se permet de faire de l’humour. Il n’a pas l’air d’être inquiet pour son avenir ou celui de sa famille. Cela soulève des interrogations mais le plus grave est qu’on n’a pas tiré toutes les leçons de l’affaire Khalifa. Ce dernier est devenu richissime grâce au Trésor public, les épargnants et aux caisses sociales. Et là, les responsabilités sont d’abord politiques. Aujourd’hui, nous sommes face à la démultiplication de Khalifa. La montée de Khalifa ressemble à la dernière montée de Ali Haddad. Temmar emmenait avec lui Khalifa aux États-Unis et ailleurs en le présentant comme l’avenir de l’Algérie. Khalifa faisait des promesses avant que le séisme ne se produise. Khalifa a dit qu’il y a des noms qu’il ne citera pas. Ce qui amène tout un chacun à dire qu’il y a peut-être un deal ? Le procès va-t-il nous livrer tous ses secrets ?
Vous affirmez que vous n’allez pas vous taire mais vous refusez de donner tous noms de ministres qui sont entachés…
C’est aussi de la responsabilité de la presse de s’adresser à d’autres partis qui connaissent les noms de ces ministres. Des députés du RND et du FLN viennent nous voir, ils ont des dossiers de corruption, de gabegie, de dilapidation, de rapine. On ne peut pas porter seuls un tel fardeau. Nous avons aidé à ouvrir ce dossier pour que les gens parlent.