DE BUGEAUD A DE GAULLE
En Algérie française trônait en plein Alger la statue du Maréchal Bugeaud qui déclarait en 1841
« La guerre que nous allons faire, n'est pas une guerre à coups de fusils. C'est en enlevant aux Arabes les ressources que le sol leur procure que nous pourrons en finir avec eux. Ainsi, partez donc, allez couper du blé et de l'orge »
La conquête, le mot juste, française de l'Algérie a été déclenchée fortuitement : en 1827, le dey d'Alger donne un coup d'éventail au consul de France qui refuse de s'engager sur le remboursement d'un prêt. Charles X en 1830 décide d'envoyer une expédition punitive à Alger,trois semaines après ce débarquement, le dey d'Alger capitulera. Cette opération se transforma en guerre de colonisation dont on connaît la suite.
Le rejet de la présence française a été constant et non fortuit. Le dater de l’époque contemporaine, c’est effacer les raisons originelles de la “guerre d’Algérie”. Par exemple en 1836, les troupes françaises mal équipées devront battre retraite face au bey de Constantine Ahmd. A noter également, la révolte des Ouled Sidi Cheikh en 1864, dans le Sud Oranais qui a duré plus de dix ans.
Les faits
Entre le 11 et le 18 mai 1830, quelque 37 000 hommes répartis dans 675 bâtiments, c’est-à-dire toute la marine française, embarquèrent pour conquérir l’Algérie alors sous protectorat ottoman. Le débarquement eut lieu le 14 juin 1830 à Sidi-Ferruch, peu après la forteresse d’Alger fut prise. La conquête de l’Algérie fut longue, contrairement à celle du Maroc et de la Tunisie qui furent placées sous protectorat, les troupes françaises l'ont soumise village après village et la résistance de l’émir Abd el-Kader pendant 18 ans jusqu’à sa reddition le prouve. L'armée française d'Afrique finit par occuper tout le pays en 1847.
Un siècle plus tard se déroula un drame qu'il ne faut pas oublier si l'on veut comprendre les raisons et motifs qui poussèrent le FLN à engager le fer avec la France en 1954. Outre les causes universelles telles que l'autodétermination et la décolonisation, voici l'un de ses déclencheurs.
Le massacre de Setif.
Le 1er mai 1945, jour de la fête du travail, tandis que le service d'ordre des algériens veillait au désarmement des manifestants pacifiques, «afin de montrer aux autorités françaises et à l'opinion internationale la volonté des algériens de vivre libres et indépendants» qui demande la libération de Messali Hadj, (1) des Européens se mirent à tirer sur les manifestants de leurs balcons. Puis la police se mit à tirer sans sommations. Il y eut plusieurs morts et sur les 9 blessés graves transportés à l'hôpital Mustapha, aucun ne survivra. Ce même jour à Oran, on releva 1 mort et plusieurs blessés parmi les Algériens. Le 8, à l'annonce de la reddition allemande, une grande manifestation spontanée, à l'appel de Messali Hadj (1), distincte de celle des européens qui devait avoir lieu l'après midi, envahit les rues de Sétif. Un peu moins de 10 000 Algériens, chantant l’hymne nationaliste « Min Djibalina » (De nos montagnes), défilent avec des drapeaux algériens qui figurait parmi ceux des pays alliés anglais, américain et russe. Des pancartes fleurissent : « Indépendance pour l’Algérie » En tête du défilé marche une patrouille de scouts musulmans dont l'un d'eux, Saal Bouzid brandit un drapeau algérien. Deux flics, trop zélés, tentent de s’emparer du drapeau et un gendarme abat le pacifique manifestant. Le rapport de police parle de matraques et de cailloux utilisés par les manifestants justifiant les tirs sur les manifestants.
La colère de la foule qui s'ensuivit fit 28 morts chez les Français. Le Constantinois est en feu et une chasse aux blancs est organisée, le nombre de colons tués est estimé à 109, des femmes sont violées, on évoque alors des actes de barbarie. Affolé, le gouvernement français lance l'armée, (dix mille soldats) dans une répression violente contre la population civile. La marine et l'aviation, de conserve, bombardent la population de Sétif Guelma et Kherrata, Le Triomphant et le Duguay-Trouin, tirent plus de 800 coups de canonsous le commandement du général Duval. Ces troupes viennent de la Légion Etrangère, des tabors marocains, des tirailleurs sénégalais et algériens. L’armée est en sous-effectif en cette période de guerre, aussitôt des milices se forment sous l'œil bienveillant des autorités et se livre à une véritable chasse aux algériens dans un déchaînement de folie meurtrière. Des prisonniers de guerre allemands et italiens sont libérés et armés pour participer à une répression atroce et disproportionnée, tant la peur d’une révolte générale était grande.
De Gaulle nomme aussitôt un ancien résistant pour tenter d’arrêter la répression. La milice est dissoute, mais le commissaire est vite mis sur la touche. La répression prend fin et pourtant des officiers exigent la soumission publique, à genoux, des derniers insurgés sur la plage des Falaises, non loin de Kherrata. Ce vaste massacre programmé, où des scènes de barbarie inouïs seront commises, se terminera officiellement le 22 mai le chiffre officiel recense 1500 morts algériens, 102 du côté français.Des rapports américains et des historiens français parlent de 8.000 à + 20.000 morts, les autorités Algériennes parlent de 45.000 morts. Peu de réactions en métropole ne serait-est que par manque d'informations ou soumises à la censure. Seul le professeur Henri Aboulker, médecin juif et résistant, s'élève contre ces massacres et publie plusieurs articles dans le quotidien Alger Républicain.
Les nationalistes algériens considéreront cet épisode comme une extermination systématique à caractère ethnique de tout ce qui vivait dans l’arrière pays et des vastes régions de l'est algérien, à l'abri du regard des troupes alliées, (anglaises, américaines, canadiennes) Le mot génocide n’est pas loin, incongru, mais objectivement nous pourrions penser à un crime de guerre ou contre l’humanité. Cet acte de terrorisme d’Etat qui causa la mort d’entre 10 000 et 45 000 Algériens, est inscrit dans la mémoire collective algérienne ce qui alimenta la montée d’un nationalisme plus dur, qui débouchera sur l’insurrection.
(1) Il réclame dès 1927 l'indépendance de l'Algérie Fondateur du Parti du peuple algérien (PPA), du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) et du Mouvement national algérien (MNA) et fut condamné à plusieurs peines d'emprisonement. Plus tard, il cédera au FLN son adversaire politique, la conduite des mouvements prônant l'indépendance de l'Algérie. Il se retire alors de la vie politique.
17:15 Publié dans Billet d'humeur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : accords evian, algérie, guerre, fln, alger, oas