Louisa Hanoune et “l’argent sale”
Cela est la démarche de la secrétaire générale du Parti des travailleurs : pour mieux défendre le régime, l’on s’en prend à ses “symptômes”.
À une époque, ce fut, tour à tour, Temmar, Benachenhou et Khelil qui furent les cibles de son versant “opposant”, alors qu’elle réservait son soutien, jamais contredit, au seul Président.
En exerçant sa vigilance intraitable à l’encontre des politiques des ministères économiques, la leader du PT pouvait laisser transparaître sa silencieuse sympathie pour un Président bienfaisant dont les ministres déloyaux travestissaient la politique. Un peu comme si, à l’insu de Bouteflika, Temmar avait inventé la privatisation et Chakib Khelil conçu la loi sur les hydrocarbures. Cette théorie du bon calife et de ses perfides vizirs permet à la pasionaria d’être à la fois dans la posture de l’opposition critique et du soutien courtisan. Il faut l’immense talent sémantique de Louisa Hanoune pour emballer dans le même message le persiflage des ministres et l’apologie du chef des ministres.
Cette prédisposition à la gymnastique de découplage de l’action d’un Président de celle de ses ministres et collaborateurs permet à la chef du PT de conserver son statut d’opposante tout en montrant constamment sa disponibilité. Tout ce qui se fait de préjudiciable a un auteur… qui n’est jamais Bouteflika. Ce rapport paradoxal du PT au pouvoir lui faisait dire, à la veille des dernières présidentielles, que “les opposants au quatrième mandat ne sont pas des démocrates”. De fait, dès que le résultat-prévisible fut connu, elle fut parmi les premiers à le justifier : “Le vote des citoyens algériens en faveur de M. Bouteflika était franc, clair et net et ne laisse aucune place au chantage et à la manipulation du destin et de l’avenir du pays.” Le pays est sauf ! Ajoutant, pour ceux qui n’auraient pas compris la pertinence du choix populaire : “Le peuple, à travers le choix qu’il a exprimé, n’avait pas voulu faire un saut dans l’inconnu.”
Depuis un certain temps, Louisa Hanoune a découvert la malfaisance de “l’argent sale” qui, selon elle, veut “s’infiltrer dans tous les postes du pouvoir”. Où, là aussi, ce serait “l’argent sale” qui s’imposerait au pouvoir. Or, cet argent-là vient des marchés publics, du budget de l’État. Il existe donc bien un superviseur du système mafieux. Mais… Louisa Hanoune ne le connaît pas !
Là sont les limites de la critique de Louisa Hanoune et de tant d’autres opposants : l’on ne peut assumer la fraude électorale et s’émouvoir de l’usage clanique des richesses nationales.
Et l’on ne peut s’accommoder d’élections non transparentes et s’étonner de l’opacité de l’allocation des ressources nationales ! Surtout que dans un système rentier, c’est le pouvoir qui a l’initiative économique et non pas l’entreprise, fût-elle de financements douteux.
La polémique en question participe elle-même de la mystification démocratique du régime. Ceux qui investissent dans le système des quotas électoraux sont dans la même tranchée que ceux qui investissent dans le système du gré à gré autoritaire. Dans la tranchée qui pousse le pays vers le pire. Et comme tous ceux qui ont abîmé ce pays, ils finiront dans “la réconciliation”. Sur les ruines du pays-butin.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr