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Algérie : le 1er Novembre a Ighil Imoula

Invités hier par le comité de village de Ighil Imoula, pour assister à la commémoration du 60 ème anniversaire du 1er novembre 1954. Journée ensoleillée comme un printemps en plein cœur de l'automne, ,   inoubliable, pleine d'émotions, et belle comme ces journées de juillet 1962, notre aube natale..."Les danses de juillet sentent la poudre", avait dit un poète, à propos de ces premières journées de notre indépendance (notre aube natale, 52 années après, est devenue un sombre crépuscule....). La fête, hier à Ighil Imoula, quant à elle sentait la joie, la fraternité et l'espoir en un avenir meilleur...


Réveil : 04h45 du matin. Départ d'Alger : 6h. Arrivée à Ighil Imoula : 8h40.
 
A notre arrivée : Da Amar, ancien moudjahid, 75 ans (est monté au maquis à 17 ans), membre du comité du village et militant associatif actif,  nous accueille avec trois  choses, aussi grande chacune: sa chaleur, sa joie et son sourire. Il est heureux de nous revoir. Chaleur humaine, embrassades et émotions. Etant devenus des habitués de ce village, Da Amar nous dit : "Bienvenue chez vous ! Désormais, mes chers frères, vous avez droit à un extrait de naissance du village, étant devenus ses enfants". Quelle belle façon de nous accueillir !
 
Cette façon de nous accueillir, belle comme l'hospitalité des gens simples, démunis mais riches de leur chaleur humaine (un poète a dit : "Ils ont peu de choses en leurs mains, mais un vaste ciel est dans leur cœur"), nous a mis du baume au cœur. De la sorte Da Amar, avec sa finesse habituelle, nous a signifié que le village nous a adoptés. Il est vrai que nous sommes très connus au village. (Nous y sommes allés en famille à plusieurs reprises).. Les gens viennent naturellement nous saluer, nous embrasser et nous souhaiter la bienvenue. Ils sont heureux de nous revoir et l'expriment clairement. On le ressent par leur façon de nous serrer quand ils nous font la bise...
 
A notre arrivée :tout le village est déjà en fête. J'ai tout de suite eu cette impression du déjà vécu. Je dis à mon beau-frère :"On dirait que nous sommes en juillet 1962". Il me dit: "j'ai la même impression". Da Amar, qui est à nos côtés, a entendu cet échange d'impression. Il sourit, puis nous dit : On descend à pied jusqu'au cimetière des martyrs de Tizi N'Tlata, ( 2 kms plus bas) on dépose une gerbe de fleurs, avec lever des couleurs, puis on remonte au village"...
 
On remonte à pied. On est à peine arrivés que les autorités arrivent : le Wali  avec , ses sous-wali et leurs sous-sous wali, et toute une armada de cadres et de gardes-du-corps. Ils visitent le Musée de la Révolution (en cet endroit fut tiré la déclaration du 1er novembre 1954, y sont exposées : la machine  à écrire du chahid Mohamed Laïchaoui journaliste qui  tapa et tira le texte, et la ronéo qui servit pour le tirage de la déclaration (mort avec le grade de lieutenant, les armes à la mains, en 1959, c'est un grand oublié, ignoré par la mémoire officielle mais qu'Ighil Imoula a toujours gardé dans son cœur le considérant comme un de ses fils)...). Puis montent plus haut, visite de la maison de la culture qui est également un musée historique (où il y a toutes les figures de la révolution). Et puis retour à la placette centrale du village : un mouchoir de poche envahie par une marée humaine. Toute la population d'ighil Imoula et de Cheurfa est là. Il est difficile de frayer un passage...
 
Discours du Wali. Rétrospective historique depuis le début. Chose inutile pour les villageois,  car tout le monde ici la connait. Il va dans le sens du poil. Les habitants, qui sont loin d'être naïfs, sourient poliment, sans rien dire, se contentent seulement de hocher la tête : par ce geste significatif, ils ont tout dit. Le wali continue son discours. Il passe au présent, fait un bilan élogieux. 
 
Je suis écœuré  par cette récupération politicienne d'une fête d'un village. Na Louiza, la veuve du colonel Ali Zamoum, est dans tous ses états. Elle exprime clairement sa révolte. Elle le  fait savoir . Cependant que le wali fait son discours démagogique, elle crie très fort pour que tout le monde l'entende : "Politique oulach ! Ass agi awal novambar,  machi la politique ! ". Elle répète à haute voix :"Politique oulach, machi ass agi !". Son fils Rabah, la voyant crier la rejoint. Elle nous le présente. C'est un  grand, costaud,  rougeaud, avec les traits et le regard franc et direct de sa mère Na Louiza.
 
Une femme nous rejoint, brune, grande, les cheveux à la garçon, parle un bon français en roulant les "r". Elle se dit de la famille de Krim Belkacem et se présente comme députée de Dra El Mizan, cependant que le wali continuait son discours. Toute honte bue, elle nous présente un programme électoral, le sien dit-elle, une panoplie de projets (ah! toujours des promesses avec ces gens-là!). Rabah est interloqué, ainsi que sa femme et moi qui sommes à ses côtés. Je suis choqué, et apparemment je ne suis pas le seul. Rabah lui dit :" Madame ce n'est pas le moment de faire une campagne électorale, revenez un autre jour on en reparlera". Je dis, sans que je sois gêné par madame la députée  qui est à côté de  moi :" C'est malsain !". A-t-elle entendue, ou pas ? Je m'en fous ! Madame  Rabah Zamoum, qui est toujours à mes côtés, quant à elle, m'a bien entendu. Elle me regarde et m'approuve :" Oui, c'est malsain !", me dit-elle.
 
Les autorités parties, la fête a continué au village, jusqu'à 23 heures...Et le naturel que les apprentis-sorciers ont chassé  pour un moment (le temps d'une virée démagogique) est vite revenu au village : la bonne humeur, la joie, l"espoir et la solidarité...
 
Enfin ce que je viens de vous raconter n'est qu' une toute petite partie de cette journée.  Il y a eu tellement de choses, plus belles et qui ont vite effacé les virées démagogiques de certains responsables qui n'apparaissent que lors des grands événements.... J'ai pris beaucoup de notes qui, ajoutées à ce présent message  e mail que je vous adresse, constitueront mes "Mes carnets de voyages"...
 
Me voyant prendre des notes une femme, belle, la quarantaine, lunettes de vue et regard intelligent me dit : "Vous êtes journaliste ?". Je lui réponds :" Non? Je prends seulement des notes pour mon livre, mais j'aimerais bien être journaliste !". Elle sourit pour réprimer son rire,  car elle est un peu gênée, puis elle rit franchement...Je ne connais pas cette femme, on s'est parlé comme si nous nous nous connaissions depuis bien longtemps. C'était cela la fête, hier,  à Ighil Imoula : "une foule immense où l'homme est un ami" (Paul Eluard). 
 
Bonne lecture et portez-vous bien.
Votre ami.

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