PV DE LA CONFERENCE DEBATS DU PROFESSEUR CHAOUI
A la demande du PLD ( Parti pour la laïcité et la Démocratie), le professeur CHAOUI anime le samedi 12 novembre ,au siège du parti, une conférence débats sur la Santé en Algérie depuis l’Indépendance à nos jours .
En introduction, le professeur CHAOUI rappelle qu’en 1962, l’Algérie sort d’une longue et dure guerre de libération .La population de près de huit millions majoritairement rurale vit dans des camps ravagés par des maladies endémiques.
Analysé sous le prisme de sa structure de financement, le secteur de la Santé dans l’Algérie Indépendante évolue selon le professeur CHAOUI sur trois périodes .
-première période :Le financement de la Santé se fait principalement par L’Etat à travers le Trésor.
1964 : création de l’Institut de la Santé. Des programmes de lutte contre les maladies contagieuses dont le trachome et la tuberculose sont mis en place notamment par les professeurs CHAULET ET DJILLALI auxquels le conférencier rend hommage .
1969 : naissance de la Pharmacie Centrale et vaccination obligatoire .
-deuxième période : 1972/73 à 1980 :
La nationalisation du pétrole en 1972 s’accompagne d’un vaste programme de développement dont une grande politique de santé avec :en 1973 la gratuité des soins médicaux, la formation de 1000 médecins par an ,l’implantation d’un hôpital dans chaque daïra et d’une polyclinique dans chaque commune .Les grandes entreprises se dotent de services de santé. A la fin de leur service civil , les médecins rejoignent les structures étatiques tandis que seuls les médecins désireux de s’installer à leur compte dans les campagnes bénéficient de dérogations .
A cette période , la structure de financement de la santé change .la contribution de l’Etat diminue. La santé est financée par les cotisations sociales et dans une moindre mesure par les apports des ménages sous forme de literie et repas dans les hôpitaux .
A la fin de cette période, l’espérance de vie de la population passe de 53 ans à 70 ans grâce aux efforts consentis en matière de santé mais également dans l’assainissement du logement, l’amélioration de la nutrition et la disponibilité de l’eau
-Troisième période :
- 1980 : le baril de pétrole est à 40$. Dans le cadre de la politique « pour une vie meilleure » ,les dépenses de consommation explosent .les programmes de santé sont abandonnés au profit d’achats d’équipements lourds et la construction de 40 hôpitaux .A quoi on servit ces dépenses ?
Sans programme de santé, on investit pour enrichir les lobbies en achetant des équipements très couteux et complètement inutiles .Plus de 12 microscopes électroniques ne servant qu’à la recherche et jamais aux diagnostics sont acquis à une période où Genève en possède seulement deux .Ils n’ont jamais servis . L’implantation des nouveaux hôpitaux ne répond à aucun plan .On construit un hôpital à Djanet alors que la population dispersée sur de nombreux kilomètres souffre de l’absence d’eaux potables.
A cette date , les assurés sociaux financent à la fois ces dépenses d’équipement et également les salaires à travers le forfait des hôpitaux versé au ministère de la santé au profit des hôpitaux .
-1986- 1990 : baisse du prix du baril de pétrole .En l’absence d’une évaluation et vision globale du secteur ,l’Etat autorise l’installation de médecins à leur compte ainsi que l’ouverture de cliniques privées (décret en 1990) et limite le remboursement des soins à 10% . En conséquence , les riches vont dans les cliniques privées et les pauvres dans les hôpitaux .Les dépenses de santé sont ainsi financées à hauteur de 40% par les ménages
A cela s’ajoutent , la baisse drastique des dépenses de santé exigée par le Fonds Monétaire International ,le départ à l’étranger des compétences fuyant le terrorisme et la chute du PIB national qui tombe à 1400$ par habitant .
Aujourd’hui, les caisses de l’Etat sont pleines mais les mêmes erreurs sont faites :absence de programme, achats d’équipements et construction d’hôpitaux sous la pression de lobbies qui pèsent sur le budget de l’Etat .
Que faut-il faire pour en sortir ?
La santé n’est pas un produit commercial .Elle est un facteur de cohésion sociale car elle s’associe à d’autres domaines comme la scolarisation des filles ( espacement des naissances ) l’assainissement des eaux , la salubrité des logements ……Elle doit dans un cadre serein, pacifique et totalement démocratique ,faire l’objet d’un débat national ouvert à tous sur :
- La place du secteur privé qui respecte des cahiers de charge pour s’insérer dans un programme cohérent et participer à la réalisation de résultats clairement définis face au vieillissement de la population, à la persistance d’épidémies anciennes et surtout à l’émergence de maladies nouvelles telles que le cancer, le diabète .
- Le montant et la nature des dépenses de médicaments .On dit que les dépenses de médicaments ont explosé mais cette affirmation n’est pas vérifiable .Les dépenses de santé doivent passer de 4 à 10% du PIB. En outre il faut choisir et hiérarchiser les dépenses :acheter la dernière molécule pour allonger de trois mois la vie d’un malade du cancer ou bien réduire le taux de la mortalité infantile et celle des femmes à l’accouchement ?
- La mise en place d’un conseil d’administration indépendant d’une caisse de remboursement unique avec une même carte de sécurité sociale
- la réflexion et le traitement de la violence dans la population, la formation des médecins dont la vocation est de soigner et non de prescrire sous la dictée des délégués médicaux ,la production des médicaments génériques dans le cadre de la coopération maghrébine et enfin peser sur les instances internationales pour copier certaines molécules qui ne sont pas tombées dans le domaine public .
le professeur CHAOUI répond aux questions de l’assistance composée de plusieurs professeurs et docteurs en médecine. Il souligne l’intérêt de ce débat initié par le PLD avec la société civile et dont la finalité est en fait le choix de société .