Oussaci Amokrane
un jeune maquisard ayant survécu a la guerre
Oussaci Amokrane est né le 23 mai 1940 au village Ait Saci Douar Ittourrar, actuelle commune d'iferhounene.
Il fit ses Études coraniques au village et a la Zaouïa de Sidi Moussa entre 1946 et 1950.
Parallèlement aux études, Si Mokrane Oussaci exerçait son métier d'éleveur de bétail. Il était en fait berger propriétaire, a l'instar d'autres jeunes du village.
Ses premiers cours de sa scolarité ont consisté en l'apprentissage de la langue du Coran. L’alphabet était prononcé selon une phonétique kabyle. Si Ali Ait Saïd de Ait Youcef Ouali sera le premier instituteur dans le village qui leur apprit les rudiments de la langue du Coran.
Si Mokrane(Amokrane) nous narre sa vie d'enfant du village. Il dit à ce propos :
"Vers l'année 1950, nous exécutions nos travaux quotidiens dans les champs et j'étais personnellement de ceux qui aimaient ces besognes quotidiennes : garder les animaux domestiques. Notre cheptel était bon an mal an, composé généralement de 4 a 5 vaches laitières, 4 bœufs, une dizaine de moutons et un cheval. Nous étions donc, comparativement à l'ensemble des familles du village et même de la région de Kabylie, une famille aisée. En plus fait que mon père et mes oncles étaient à cette époque émigrés en France. Ce qui n'était des moindres situations quand on sait que beaucoup de familles de la Kabylie ne disposaient ni de terrains pour pratiquer une agriculture rurale et un agro-élevage permettant d'engranger, ni de parents employés dans l'industrie française payés mensuellement.
Plus tard ...
En présence de mes parents rentrés de l'exil, un jour, j'avais constaté la présence pour le moins insolite de personnes qui entraient dans une discrétion totale, pour rejoindre mes parents à la maison. Une réunion insolite rassemblait mes parents à ces étrangers.
J’écoutais sans aucun gène d'autant plus que ces adultes n'avaient pas l'air d’être importunés par ma présence, j'écoutais sans trop comprendre ce qui se disait à l'intérieur de la maison, car habituellement ces personnes se réunissaient chez nous pour régler les conflits qui opposaient des individus ou des familles du village. Ce jour, les échanges de discours étaient très particuliers...
Un autre jour, mon père et mon frère ainé accueillirent de nuit, a la maison, une délégation d'hommes, accompagnée de mon frère ainé qui portait, suspendu à son épaule, un fusil de chasse. Alors que j'étais persuadé d'avoir moi-même dissimulé nos deux fusils de chasse, bien enfouis, dans un de nos champs. J'étais surpris de voir mon grand frère doté d'une autre arme à feu...et c'est que j'ai compris que mon frère s'est déjà engagé dans les rangs d'une organisation dont je ne connaissais pas encore le nom. Je saurais presque en même temps que moi-même qu'il s'est engagé dans les rangs de l'ALN pour combattre l'occupant français. Il mourra à la fleur de l'âge, les armes à la main.
Des jours passent, vers onze heures du soir, je suis contacté par les sieurs Youcef Ait El Hadj (du village Ait Youcef Ouali) et Mohand Arezki Vou th dhoudhach (l’homme aux petits doigts) qui portait a cette époque le surnom de Amghar(le vieillard).
Nous étions en 1955. J'avais 15 ans.
Je me suis présenté à ces hommes qui commencèrent de me questionner en ces termes :
- Vous êtes bien Amokrane Ait Saci ?
- Oui. Que me voulez-vous? Répondis-je.
- Nous savons que vous disposez de deux fusils de chasse, votre propriété familiale".
Et pourtant, les fusils de chasses dont parlait cet homme ne sont plus à la maison. Je les avais cachés dans un champ. Bien enveloppés et enfouis dans un trou après les avoir pris la précaution supplémentaire de les entourer d'une chambre a air.
Les deux hommes m'avaient expliqué qu'ils avaient l'habitude de venir chez nous et qu'ils étaient, aujourd'hui, venus me voir dans le but justement de leur remettre ces deux fusils de chasse. Je leur répondis que ces fusils de chasse sont la propriété de mon père et de mon frère.
L'homme qui se tenait devant moi continua :
- "nous avons besoin de ces fusils, de ceux que vous avez cachés. Ton frère a un autre fusil de chasse maintenant. Ton père est au courant de notre démarche pour récupérer ces fusils qui sont chez vous. Je leur répondis qu'ils ne pouvaient pas en disposer pour aujourd’hui, car non disponibles. Ce sera pour demain sans faute, ajoutai- je. Une façon de me donner du temps pour réfléchir et mieux agir dans ce cas qui me met dans une situation encombrante.
Ils n’insistèrent plus. Ils partirent après ce salut coutumier kabyle : " que la paix soit sur vous" auquel je répondis par un " partez avec le même (souhait).
Le lendemain, les mêmes visiteurs sont revenus pour récupérer les fusils de chasse que j'avais préparés à leur intention. Profitant de cette occasion, ils me convoquèrent pour le surlendemain a la tombée de la nuit, au lieu dit Ait El Bachir, un village voisin de Ait Saci a quelques encablures.
Le lendemain, comme entendu, je me suis présenté au rendez-vous à l'heure indiquée. La, je rencontrai Si Youcef, Si Mohand Arezki et Si El Mouloud du village Ait El Bachir. Ce dernier s'est trouvé être un parent par alliance puisque la fille a ma tante était déjà mariée a son frère. Ils me donnèrent leur première instruction qui consistait à constituer un petit groupe d'adolescents qui sera chargé de couper les routes. Nous voila donc devenus en quelques minutes de discussion un petit groupe de petits fellaghas. Des petits fellaghas. Il ne me restait plus qu'a choisir les jeunes les plus costauds mais aussi les plus fiables. Cependant, Il ne m'échappait point, malgré mon jeune âge, que si quelqu'un d'entre nous venait à être découvert, appréhendé pour ces actes dits de sabotage pour l'administration coloniale, s'en était fini pour tout le groupe.
L'homme qui me parlait solennellement ne pensait-il pas que je suis encore jeune pour ces genres discours, en ajoutant solennellement :" Quand on aura besoin de vous, tu viendras avec une équipe de jeunes pour couper les routes. Le Roumi doit être chassé de notre terre. De la terre de nos ancêtres quel qu’en soit le prix à payer."
Une autre fois, en présence de mon père, le comité des cinq, ainsi qu'on l'appelait, après une réunion qui s'était déroulée chez nous, comme a l'accoutumée me remit une lettre que je devais remettre en mains propres a Mohand Akli El Hadj qui est enseignant a la Medersa de Tanat. Arrivé sur les lieux, je fus accueilli par deux jeunes adolescents écoliers de cette Medersa qui me m’interrogèrent sur les raisons de ma visite. Je leur répondis que j'étais chargé de remettre une missive au cheikh de la Medersa. Ils me proposèrent de la lui remettre eux-mêmes, mais j'ai insisté pour que je la remette en mains propres, surtout que la directive était telle de la part de mes commanditaires. Les deux jeunes se retirèrent pour revenir quelques minutes plus tard accompagnés du cheikh. L'homme s'avançait vers moi, impassible, me souhaita la bienvenue en ces termes :
- Sois le bienvenu, mon fils!".
Je répondis par un :
- " Que Dieu te bénisse Cheikh!"
- Qui t'a envoyé vers moi ? Me questionna-t-il.
- Zi Abdelkader, lui répondis-je. Il m'a chargé de vous remettre cette lettre en mains propres. Vous êtes bien Mohand Akli El Hadj, Cheikh, questionnai-je.
- A l'avenir, fiston, et si jamais tu as un autre message à me porter, tu peux le confier aux jeunes que je t’envoie, sans ne te faire aucun souci.
Qui étaient donc ces jeunes gens à qui je devais remettre le courrier et à que le cheikh faisait une confiance aveugle? Il s'agit des sieurs Si Seghir Ait El Hocine et de Si Ouahcene Ait El Hocine, Ils sont encore vivants. Je les ai rencontrés au maquis. Ils suivront d'ailleurs la guerre et coulent d'heureux jours à la date où j'écris ce témoignage. Une chose insolite a attiré mon attention de façon particulière au moment de ma rencontre avec ce cheikh. Il portait un ache-montagne et on ne pouvait distinguer que ses yeux. Le reste de son visage était dissimulé. Il portait un pantalon a quatre vitesses, ou un pantalon arabe comme on dit chez nous, un burnous en laine très usé et d'un couleur pale. Cette image du cheikh ne me quittera jamais.
Au retour, les responsables nous rappelèrent pour entamer notre mission Si Mokrane, Si Mohand Ouidir, Si Mohamed un rallié, Saci, en arrivant Ait El Bachir, on nous distribua les outils, qui de la pelle qui de la pioche, et un cache-nez chacun qui nous servira de cagoule.
Nous entamions notre travail de destruction organisée, toutes les routes d’Agouni Adella seront bientôt hors d'usage. Nous étions en 1956.
Les troupes françaises entamèrent un travail minutieux de renseignements. Ils se déplaçaient sur les villages de Tizi Bouifed, Ibelkissen, Ait Youcef Ouali et Ait Saci, et remontaient ensuite pour rentrer dans leurs bivouacs de Michelet et de Tizi NDjemaa. Mais dés que nous étions informés de leur arrivée a proximité du village, nous prenions nos jambes à nos cous, et disparaissions dans la nature. Nous craignions car nous savions que nous pourrions avoir été dénoncés par des collabos dissimulés dans la population. Nous étions 5 dans le groupe. Nous avions notre organisation. Mon cousin El Hacene qui encore vivant au moment ou j'écris ces lignes et moi, nous déplacions tout en discutant sur la finalité de ce mouvement qui n'est pas compris par tous. Il me posa un jour cette question :
- Mon ami Amokrane, peux tu m'expliquer ce qu'est tout ce mouvement qui s'annonce?
- il y a des bandits qui menacent nos villages, des fellaghas, ou des voleurs
- Amokrane mon ami, si tu veux mon avis, émigrons en France. Ou alors joignons-nous a ces bandits, ou fellaghas comme ils les appellent ici.
Après une longue discussion, pesant le pour et le contre, nous étions tombés d'accord sur un point : Nous devons émigrer en France. Les modalités pratiques restaient à définir, et nous avions laissé cette question en suspens.
Mon Pere, ayant eu vent de ce projet d'émigration est venu m'en dissuader. Pour lui il n'était pas question de quitter le pays, a fortiori pour aller en France, au motif qu'il ne pouvait m'abandonner seul dans un pays étranger, de surcroit un pays qui était entré en guerre contre nous...
Plus tard...
Nous étions partis moi et Si Mokrane Naamar l'hadj, moi portant le fusil de chasse en bandoulière, lui m'emboitant le pas. Mon compagnon avait un problème de vue aggravé par son âge avancé. Dans nos déplacements Si Mokrane trainait la patte.
Sur le trajet aller, avant la tombée de la nuit, Si Mokrane Naamar l'hadj pouvait à peine distinguer le chemin, mais au retour, en levant la garde vers 1 heure du matin, il ne pouvait rien distinguer devant lui. J'ai tout de suite imaginé que la situation me serait dramatique, en cas d'accrochage avec les forces militaires françaises. Ayant constaté cet inconvénient majeur de mon binôme, trop vieux et de surcroit frappé de cécité, j'avais pris la décision de d'en référer au comité, d'autant plus que ses membres connaissaient tous les maquisards et les moussebelines qui transitaient par notre village de Ait Saci. Les fusils de chasse étaient distribués discrètement, à l'insu de la population pour éviter des fuites qui pourraient parvenir aux soldats français.
Un jour que nous devions assurer la garde de nuit a 1 heure du matin, on nous signale des coups de feu non loin de la, vers le village Agoures, nous étions le 10 aout 1956.
Nous avions été réveillés avant l'heure de départ pour assurer notre tour de garde. Nous nous dirigeâmes ensemble a quelques centaines de mètres du village, Nous étions au nombre de 5. Moi, Mohamed, Si Mokrane, un autre élément qui ralliera plus tard l'armée française, puis un autre élément du village d’Agourés.
Nous avions entendu des coups de rafales d'armes automatiques provenant des environs de Agourés non loin de Ait Mellal.
On s'est positionné dans un champ et attendions jusqu'au crépuscule.
Un des éléments qui composaient notre groupe, en l’occurrence si Mohamed sortit du groupe pour rappliquer, en raison du froid qui le transissait. Quelques temps après, nous décampâmes. Ensemble nous décidâmes de rejoindre le village. A notre arrivée a proximité, non loin de la fontaine, nous rencontrâmes mon oncle qui était un lève-tôt invétéré, a cause de la prière du matin qu'il avait pris l'habitude d'accomplir régulièrement a la mosquée du village
En le croisant sur le sentier menant de la fontaine à la mosquée, sans broncher, il nous fait signe en jetant un pan de son burnous sur l'épaule tout émettant un son de ses lèvres pour signifiant qu'il faut déguerpir des lieux : PSSST ! PSST ! Répétait-il machinalement. Mouvement et son qui signifiaient que les soldats français n'étaient pas loin et qu'il nous fallait immédiatement quitter le village, car non seulement nous Étions des jeunes potentiellement aptes a servir dans l'armée, mais aussi étions armés de fusils de chasses.
Nous nous sommes mis à "Chouffer" mais n'avions détecté aucun signe de présence des soldats ennemis dans les parages. Une question s'est posée à nous, pour nous assurer de leur présence, quelqu'un dans le groupe avait proposé d'envoyer des volontaires pour aller vérifier sur une crête dominante la présence éventuelle sur d'autres régions de soldats français.
Le futur rallié propose que nous allions moi et lui vérifier L'état de la situation.
Nous avions pris le chemin des champs, pendant que les autres attendaient derrière nous. Nous avions sans doute été épiés par les forces françaises sans que nous nous soyons rendu compte? Les militaires français avaient cerné toute la région, un bouclage dans les règles de l'art.
A peine arrives au village, que les 3 autres que nous avions laissés sur place avaient été tiraillés hasardeusement. Une chance inouïe que ceux-ci s’étaient aperçus qu'ils avaient été découverts et s’étaient jetés à terre pour se protéger. Sans doute comme je l'avais dit, les soldats français tiraient au juge, et c’est par un simple hasard que les balles se dirigeaient dans les parages ou étaient dissimules nos compagnons.
Pendant tout ce temps, en ce qui nous concernait, nous avions rencontré Zi Abdelkader, membre du comité du village qui, a notre vue, s'était écrié, avec une grande surprise :
- qu'est ce qui vous amène au village?!
- Qui!? Pense-tu que nous sommes ici pour nous cacher au village? Lui ai-je répondu avec un peu de colère.
Pendant que le feu nourri de la soldatesque française arrosait la région, nous rebroussions le chemin pour filer le long de l'oued, pour passer au versant le plus proche dans le but de nous mettre l'abri des projectiles de l'ennemi qui tentait de rabattre les fuyards éventuels sur l'une de ses positions. Avant d'atteindre l'oued nous avions senti que nous avions été copieusement arrosés a l'arme automatique, a la jugée, sans doute.
Nous continuâmes de descendre le long du lit de l'oued bien protégé par les feuillages, pour éviter une rencontre frontale avec leur puissance de feu. Nous qui étions armés seulement de fusils de chasse. Le déséquilibre des forces est tout simplement effarant. Sans commune mesure.
Les 3 autres compagnons s'étaient repliés sur Agourés, moi et mon compagnon avions été pris au piège, cernes de partout, mais pas encore délogés pour le moment. Nous continuions de longer le lit de l'oued couvert de toutes sortes de végétations et d'arbres feuillus qui s'entrecroisent, nous acheminions rapidement vers le village Ait Antar, et Ait Yahia
Les autres compagnons continuaient d’être mitraillés a l'aveuglette par les soldats français
Comme je suis un habitue de la région, connaissant dans les moindres détails le relief, la végétation et les anfractuosités, je suis monte sur un arbre, précisément un frêne bien touffu. Mais je courrais le risque d’être brule vif en cas d'incendie provoque par les militaires ennemis. Mais cette position constituait un véritable poste d'observation pour moi.de la je pouvais observer tous les mouvements des troupes ennemies, sans risque d’être découvert. Mon compagnon avait préféré déguerpir, il filait le long de l, oued, en deux temps trois mouvements il s'est retrouvé au village Agourés. C’est ainsi qu'il a pu échapper a l'étau du ratissage et a la mitraille.
Je suis reste quant à moi seul sur ce gigantesque et touffu arbre, fige, épiant tout mouvement suspect, et tendant une oreille fine à tous les bruits qui m'entouraient. J’observais les soldats français qui passaient à contrebas de ma position, à un moment donné, ils étaient tout près de mon refuge. A ce moment, j'ai réalisé que ma seule chance résidait dans le fait qu'ils n y avaient pensé un seul instant que leur gibier pouvait bien être un "volatile" perche sur un arbre.
Retenant ma respiration, je voyais grenouiller autour de l'arbre qui me portait et me dissimulait du regard, les soldats pendant prés de 2 heures de temps. Confortablement installe à califourchon sur une grosse branche, jambes écartées et pieds poses sur deux autres branches, au milieu d'un feuillage vert et dense, je savais aussi que s'ils venaient à y mettre le feu, comme cela était de leurs pratiques courantes, mon refuge ne serait jamais atteint vu qu'il était isolé de la broussaille. Le pied de l'arbre était totalement nu. Je pouvais en effet passer aisément d'un arbre à un autre a travers ses branchages, mais en bas, sur le sol, la surface qui entoure le tronc de l'arbre est débroussaillée.
Il était 15 heures ou 15 heures 30 au maximum quand j'entendis une longue rafale d'un fusil mitrailleur, suivi d'autres détonations et de salves d'armes automatiques. Un concert de crépitement à rendre fou.
Nous étions au mois d'aout le 11 de l'année 1956. Le bruit de cette attaque provenait du village Ibelkissen, le 11 Aout 1956, A 10 HEURES 30 MINUTES environ. C'était ce jour fatidique, que le maquisard de première heure, le baroudeur hors pair Amar Ait Cheikh et son compagnon Si Abellah tombèrent sous les balles du colonialisme français. Celui qui fut l'auteur de plusieurs embuscades et coups de mains contre l'occupant et notamment l'attaque du camp de la 4eme compagnie du 6éme bataillon de chasseurs alpins de Tizi NdJEMAA.
Après cette avalanche de projectile, j'entendis des cris. Étant moi même illettré en langue français, j'ai réussi tout de même à retenir les mots prononcés par un soldat français à haute voix " Sur mesure, ça va bien ! "
Après cette longue attaque; le silence total enveloppa toute la région, on entendrait voler une mouche: On aurait dit la fin du monde, de la vie.
Environ une heure après, il était environ 17 ou 18 heures lorsque j'entendis ma mère appeler " Amokrane!", et moi toujours camouflé au cœur de cet arbre, une foule d'idées me vint a l'esprit. Mon binôme serait capturé et m'aurait donné aux forces françaises qui utiliseraient ma mère pour m'avoir vivant? Un piège dans lequel je devrai en aucun cas tomber; En scrutant le relief de mon regard, je ne vis aucune trace de soldats français; peut être se seraient-ils dissimulés derrière les arbres.
Je passais d'un arbre à un autre, pour mieux observer minutieusement les moindres recoins. Analysant la situation, j'essayais de dévisager ma mère; peut-être, en observant en détail avec minutie sa mine je pourrais détecter un signe révélateur qui me dissuaderait de décamper et me dévoiler. Cela me fournirait en tous cas plus d'explications. De toutes les manières je devais d'abord m'assurer qu'elle était seule ou par qui elle était accompagnée. Tout compte fait, il n y avait qu'un enfant avec elle. Son unique accompagnateur n'était qu'un enfant.je l'avais bien distingué entre les feuillages. C’était Tahar qui s'était lui aussi, mis de la part en appelant de toutes les forces de ses cordes vocales. La voix fine et stridente de l'enfant ne trahissant aucune frayeur a eu pour effet de me rassurer et retrouver mon calme.
-Je suis la leur répondis-je
- les soldats sont tous partis, me rassure-t-ils
- nous avions pensé que toutes ces rafales t'étaient destinées, ajouta ma mère avec une frayeur incontenable.
Pour ma mère, il y avait en effet de quoi s’inquiéter, puisque, ayant constaté que le reste du groupe que nous composions avait rejoint le village. Il ne manquait donc a l'appel que moi.
Mais tout est bien qui finit bien pour nous tous. L’énigme de ces longues rafales n'avait pas encore révélé ses secrets, cependant. Sur se sont-ils acharnés pour tirer autant de rafales avec toutes sortes d'armes?
Tout ensemble nous avions repris e chemin du village. Arrivé à la maison, je me suis mis sur une petite chaise pour me laver les mains et la figure, lorsqu’en contrebas, sur la piste du village, je vis passer 5 soldats noirs de couleur, de forte corpulence, des géants, je dirais. Je me préparais à ressortir en hâte. En fait, et c’était un simple hasard, je l'avais échappé belle, ils ne faisaient que passer la. Ils avaient passé la nuit au village Ibelkissen.
Tôt dans la matinée du lendemain, l'information se rependit comme une trainée de poudre sur la mort d’Amar Ait Cheikh et son compagnon Si Abdellah. C'est Si Mohand Saïd qui nous confirma la mort d’Amar Ait cheikh.
Ordre avait été donné d'enterrer les morts, dont Si Boussad Bouerdja (un natif du village de Ouerdja, commune de Abi Youcef). Ce dernier agissait en tant agent de liaison, lequel avait été envoyé pour préparer une réunion sous l'égide de Amar Ait Cheikh ayant pour ordre du jour, l'organisation de la sécurité du congrès de la Soummam.
Le groupe qui devait rejoindre Amar Ait CHEIKH était dirigé par le premier chef de commando ALN de la région, Si Djaffar Ait El Hocine, dont faisait partie Si Cherif de Ouerdja. Ce groupe avait auparavant accroché les troupes françaises dans la région d’Agourés.
C'est vers 11 heure 30 du matin que l'accrochage entre forces françaises et Amar Ait Cheikh avait lieu le 11 Aout 1956 au lieu dit Ighzer Oumalou, vers le pont de Ait Antar.