Les «harkis» de Kaboul
«Quand les Allemands occupaient la France, comment vous appeliez les Français qui travaillaient avec eux? Les “collabos”, c'est ça?» Le regard fixé vers le sol, Jawad lâche cette phrase d'un trait. Sans qu'on sache s'il mesure vraiment le poids des mots. Est-ce de la honte? Une pointe de provocation due à son jeune âge? Difficile de décrypter le masque de cet homme de 26 ans, frêle et tendu. Depuis sa naissance, son pays est en guerre. Lui l'a faite pendant sept ans aux côtés des Français, dans la vallée de la Kapissa, au sud-est de Kaboul, et dans la province de Wardak, au sud-ouest de la capitale. Alors que l'armée française quitte définitivement l'Afghanistan, son engagement lui coûte cher. Menaces dans son quartier, intimidations de sa famille, paroles haineuses: Jawad est considéré comme un traître par tous ceux qui s'opposent à l'intervention étrangère en Afghanistan, talibans en tête. Aujourd'hui, il n'insiste guère sur ces pressions des derniers mois, mais ses silences racontent ses peurs.